Nouveaux programmes 2016 - vers la fin des calculatrices ?
Posted: 18 Sep 2015, 13:02
A été publié ce matin sur le site du Ministère le projet de programmes pour les cycles 2 à 4, dont l'application est prévue dès la rentrée 2016.
En 375 pages, ce projet couvre toutes les matières de la dernière année de l'école maternelle (GS = Grande Section), à la dernière année du Collège (Troisième) incluse.
Ce qui y frappe avant tout, c'est la forte mise en avant des TICE, le mot 'logiciel' y étant cité 45 fois, et le mot 'tableur' (logiciel de feuilles de calcul) 8 fois.
Parmi toutes ces occurrences un type de logiciel est prépondérant, le logiciel de géométrie dynamique pour les mathématiques qui apparaît 10 fois.
Le reste des occurrences concernent des logiciels de numération, de calcul, de simulation, de traitement de textes, de traitement d'images, de traitement de données, de visualisation de cartes ou plans, de présentation, de mindmapping, de CAO, de programmation...
A côté des tous ces logiciels dont des logiciels de numération et de calculs, les mots 'calculatrice' ou 'calculette' n'apparaissent que 10 fois.
Signe d'un changement de génération visiblement, l'outil TICE de prédilection pour l'élève de primaire et de collège ne sera plus la calculette, mais l'ordinateur ou la tablette.
Des programmes qui vont visiblement devoir entraîner une véritable révolution des pratiques, qu'il nous semble à priori difficile de préparer en maintenant moins d'un an sans décharge de cours.
Mais intéressons-nous un petit peu à l'algorithme et à la programmation, les mots de la famille de 'algorithme' apparaissant 20 fois dans le texte.
Ces thèmes sont introduits désormais au cycle 4 (Cinquième à Troisième) conjointement par les enseignants de Mathématiques et de Technologie :
L'algorithmique est déjà enseignée au lycée en Mathématiques depuis la rentrée 2009, avec un programme ambitieux l'intégrant de façon transversale à l'ensemble des thèmes abordés.
En pratique, nombre de lycéens n'arrivent pas à comprendre jusqu'au bout, notamment les structures de boucles, peut-être entre autres par manque de temps en classe.
A l'opposé du programme, l'évaluation de l'algorithmique au BAC depuis 2012 s'est en conséquence contentée d'interroger sur un nombre très restreint d'algorithmes types, le plus souvent des algorithmes tout faits dans le contexte des suites numériques que l'on demande juste d'appliquer, d'interpréter, ou de modifier très légèrement.
Ici au cycle 4, nous avons affaire à un programme très ambitieux, allant bien au-delà du programme actuel de lycée. Non seulement les élèves devront avoir été confrontés à la notion de boucles en Troisième, mais ils devront aussi les maîtriser puisqu'il est question de les appliquer dans nombre de projets fort intéressants (conception d'applications pour smartphone/tablette, jeux dont labyrinthes, programmation des déplacements d'un robot muni de capteurs...).
Effectivement, avoir du temps pour monter de tels projets peut sans doute mieux passer qu'une pauvre heure d'algorithmique théorique en comparaison que l'on case comme on peut dans sa progression en lycée.
Sur quoi va-t-on programmer ? Visiblement, certainement pas sur calculatrice.
L'ordinateur de poche des années 80 également connu sous le nom de "calculatrice programmable" a effectivement évolué d'une façon qui est aujourd'hui complètement à côté de ce nouveau programme.
D'une part en collège, les calculatrices scientifiques non graphiques ont complètement perdu leurs possibilités de programmation.
Les calculatrices graphiques du lycée quant à elles ont elles aussi perdu quelque chose, leur connectivité. Il n'est plus possible de les utiliser facilement pour contrôler divers périphériques tels des robots.
A moins que Texas Instruments, Casio et Hewlett Packard ne sortent de nouveau produit révolutionnaire, cela semble bientôt être la fin de leurs branches calculatrices matérielles pour la France.
Tout ceci pose un problème d'équipement. Contrairement aux lycées, les écoles et collèges ne sont bien souvent équipés que d'une demi-salle informatique.
Dans ce contexte, cela impliquerait de la part de l'enseignant des réservations de cette salle, qui auront le gros désavantage de donner à ces séances un caractère exceptionnel risquant de compromettre l'acquisition de savoir-faire nécessitant au contraire de la régularité dans la pratique.
Cela aurait aussi pour inconvénient de dénaturer le travail de l'élève en le sortant de son environnement habituel, l'amenant donc à réfléchir et réagir de façon inhabituelle, de façon différente voir même biaisée - on lui met exceptionnellement un outil entre les mains, c'est donc qu'il faut obligatoirement l'utiliser pour répondre au problème se diront-ils, et que toute autre méthode est non pertinente.
Dans le contexte de ces nouveaux programmes, ce qu'il faut visiblement c'est un équipement individuel des élèves en ordinateurs portables ou tablettes tactiles, avec les logiciels ou applications en question déjà préinstallés. Avec ces outils à portée de main, l'élève aura toute liberté de les ouvrir ou pas pour apporter une réponse possible au problème posé par l'enseignant.
Un tel équipement des élèves amènerait également des questions d'équipement des enseignants ou salles de classe, faisant émerger la notion de réseau de classe. Comment faire pour vidéoprojeter de façon simple et rapide le travail de certains élèves ? Pour distribuer ou relever un même fichier de travail sans avoir à brancher 30 fois une clé USB ?
Si les élèves du collège sont désormais équipés d'une tablette tactile avec un logiciel de calcul, pourquoi leur demander encore d'acheter une calculatrice scientifique ?
Si ces mêmes élèves lorsqu'ils arriveront en lycée seront donc déjà équipés de leur tablette tactile avec des logiciels de représentations de fonctions et de programmation, pourquoi leur demander d'acheter une calculatrice graphique aussi chère que leur tablette tout en offrant moins de possibilités, qui à la différence ne servira qu'en Mathématiques et dont le langage de programmation sera différent de celui de la tablette et de plus non libre/ouvert ?
Et bien si, il reste une dernière raison de survivre encore quelques temps à nos calculatrices, puisque ce sont à ce jour les seuls appareils électroniques autorisés aux examens.
La question de l'autorisation des tablettes ou ordinateurs portables va toutefois forcément se poser de façon naturelle, d'ici 2020 pour le DNB ou 2023 pour le BAC.
En effet, les candidats ont actuellement droit aux examens aux outils de travail qu'ils ont utilisés régulièrement toute l'année en classe : stylo, calculatrices...
A partir du moment où on équipe personnellement chaque élève d'un ordinateur portable ou d'une tablette tactile et qu'on lui demande de venir avec en classe, il est légitime d'autoriser ces mêmes outils aux examens.
Le seul problème restant à régler à ce jour est celui des possibilités de communication (WiFi, 3G...) de ces nouveaux outils, qui pourraient très bien être utilisées à des fins de triche en examen.
Mais sans doute suffira-t-il, comme on l'a déjà fait avec les calculatrices, de demander aux constructeurs de concevoir de nouveaux produits munis d'un "mode examen", avec là encore une diode garantissant aux surveillants que le mode examen est activé et que le candidat ne peut donc pas tricher.
Peut-être justement que Texas Instruments, Casio et Hewlett Packard qui ont déjà développé la technologie du mode examen pour calculatrices, pourront se reconvertir là-dedans ?
Au final, ce nouveau programme atteindra-t-il ses objectifs, à savoir la réussite scolaire de tous les élèves, particulièrement en mathématiques où le niveau moyen évalué lors de tests et examens est faible ?
Il est peu pertinent à notre avis de forcer ainsi en moins d'un an tous les enseignants à faire quelque chose en quoi ils ne croient pas tous, au lieu de les laisser y aller chacun à son propre rythme.
Si les outils TICE peuvent effectivement aujourd'hui paraître magiques aux concepteurs du programme et même à nous qui n'avons pas eu la chance d'en bénéficier lors de notre scolarité, c'est à notre avis loin d'être le cas pour les générations montantes qui sont littéralement nées avec un smartphone entre les mains.
Certains élèves plus prédisposés que d'autres vont très probablement se régaler avec ces nouveaux programmes, mais ce ne sera pas à notre avis le cas de la majorité.
Cela fait des décennies que l'on tente en France d'adapter les programmes scolaires à l'élève, avec les résultats que l'on constate aujourd'hui.
Pourquoi se dépêcher d'aller encore plus loin devrait-il inverser la tendance ? Le problème est avant tout social, et à défaut de s'y attaquer, d'interdire les notes inférieures à 10 ou encore de supprimer complètement les notes, l'échec scolaire n'est pas prêt de disparaître.
Quoiqu'il en soit nous sommes visiblement à l'aube d'une révolution technologique des pratiques au collège, et il va être fort intéressant de voir quels constructeurs arriveront à suivre, survivre et s'imposer dans les prochaines années.
Téléchargement : http://cache.media.education.gouv.fr/fi ... 469229.pdf
En 375 pages, ce projet couvre toutes les matières de la dernière année de l'école maternelle (GS = Grande Section), à la dernière année du Collège (Troisième) incluse.
Ce qui y frappe avant tout, c'est la forte mise en avant des TICE, le mot 'logiciel' y étant cité 45 fois, et le mot 'tableur' (logiciel de feuilles de calcul) 8 fois.
Parmi toutes ces occurrences un type de logiciel est prépondérant, le logiciel de géométrie dynamique pour les mathématiques qui apparaît 10 fois.
Le reste des occurrences concernent des logiciels de numération, de calcul, de simulation, de traitement de textes, de traitement d'images, de traitement de données, de visualisation de cartes ou plans, de présentation, de mindmapping, de CAO, de programmation...
A côté des tous ces logiciels dont des logiciels de numération et de calculs, les mots 'calculatrice' ou 'calculette' n'apparaissent que 10 fois.
Signe d'un changement de génération visiblement, l'outil TICE de prédilection pour l'élève de primaire et de collège ne sera plus la calculette, mais l'ordinateur ou la tablette.
Des programmes qui vont visiblement devoir entraîner une véritable révolution des pratiques, qu'il nous semble à priori difficile de préparer en maintenant moins d'un an sans décharge de cours.
Mais intéressons-nous un petit peu à l'algorithme et à la programmation, les mots de la famille de 'algorithme' apparaissant 20 fois dans le texte.
Ces thèmes sont introduits désormais au cycle 4 (Cinquième à Troisième) conjointement par les enseignants de Mathématiques et de Technologie :
L'algorithmique est déjà enseignée au lycée en Mathématiques depuis la rentrée 2009, avec un programme ambitieux l'intégrant de façon transversale à l'ensemble des thèmes abordés.
En pratique, nombre de lycéens n'arrivent pas à comprendre jusqu'au bout, notamment les structures de boucles, peut-être entre autres par manque de temps en classe.
A l'opposé du programme, l'évaluation de l'algorithmique au BAC depuis 2012 s'est en conséquence contentée d'interroger sur un nombre très restreint d'algorithmes types, le plus souvent des algorithmes tout faits dans le contexte des suites numériques que l'on demande juste d'appliquer, d'interpréter, ou de modifier très légèrement.
Ici au cycle 4, nous avons affaire à un programme très ambitieux, allant bien au-delà du programme actuel de lycée. Non seulement les élèves devront avoir été confrontés à la notion de boucles en Troisième, mais ils devront aussi les maîtriser puisqu'il est question de les appliquer dans nombre de projets fort intéressants (conception d'applications pour smartphone/tablette, jeux dont labyrinthes, programmation des déplacements d'un robot muni de capteurs...).
Effectivement, avoir du temps pour monter de tels projets peut sans doute mieux passer qu'une pauvre heure d'algorithmique théorique en comparaison que l'on case comme on peut dans sa progression en lycée.
Sur quoi va-t-on programmer ? Visiblement, certainement pas sur calculatrice.
L'ordinateur de poche des années 80 également connu sous le nom de "calculatrice programmable" a effectivement évolué d'une façon qui est aujourd'hui complètement à côté de ce nouveau programme.
D'une part en collège, les calculatrices scientifiques non graphiques ont complètement perdu leurs possibilités de programmation.
Les calculatrices graphiques du lycée quant à elles ont elles aussi perdu quelque chose, leur connectivité. Il n'est plus possible de les utiliser facilement pour contrôler divers périphériques tels des robots.
A moins que Texas Instruments, Casio et Hewlett Packard ne sortent de nouveau produit révolutionnaire, cela semble bientôt être la fin de leurs branches calculatrices matérielles pour la France.
Tout ceci pose un problème d'équipement. Contrairement aux lycées, les écoles et collèges ne sont bien souvent équipés que d'une demi-salle informatique.
Dans ce contexte, cela impliquerait de la part de l'enseignant des réservations de cette salle, qui auront le gros désavantage de donner à ces séances un caractère exceptionnel risquant de compromettre l'acquisition de savoir-faire nécessitant au contraire de la régularité dans la pratique.
Cela aurait aussi pour inconvénient de dénaturer le travail de l'élève en le sortant de son environnement habituel, l'amenant donc à réfléchir et réagir de façon inhabituelle, de façon différente voir même biaisée - on lui met exceptionnellement un outil entre les mains, c'est donc qu'il faut obligatoirement l'utiliser pour répondre au problème se diront-ils, et que toute autre méthode est non pertinente.
Dans le contexte de ces nouveaux programmes, ce qu'il faut visiblement c'est un équipement individuel des élèves en ordinateurs portables ou tablettes tactiles, avec les logiciels ou applications en question déjà préinstallés. Avec ces outils à portée de main, l'élève aura toute liberté de les ouvrir ou pas pour apporter une réponse possible au problème posé par l'enseignant.
Un tel équipement des élèves amènerait également des questions d'équipement des enseignants ou salles de classe, faisant émerger la notion de réseau de classe. Comment faire pour vidéoprojeter de façon simple et rapide le travail de certains élèves ? Pour distribuer ou relever un même fichier de travail sans avoir à brancher 30 fois une clé USB ?
Si les élèves du collège sont désormais équipés d'une tablette tactile avec un logiciel de calcul, pourquoi leur demander encore d'acheter une calculatrice scientifique ?
Si ces mêmes élèves lorsqu'ils arriveront en lycée seront donc déjà équipés de leur tablette tactile avec des logiciels de représentations de fonctions et de programmation, pourquoi leur demander d'acheter une calculatrice graphique aussi chère que leur tablette tout en offrant moins de possibilités, qui à la différence ne servira qu'en Mathématiques et dont le langage de programmation sera différent de celui de la tablette et de plus non libre/ouvert ?
Et bien si, il reste une dernière raison de survivre encore quelques temps à nos calculatrices, puisque ce sont à ce jour les seuls appareils électroniques autorisés aux examens.
La question de l'autorisation des tablettes ou ordinateurs portables va toutefois forcément se poser de façon naturelle, d'ici 2020 pour le DNB ou 2023 pour le BAC.
En effet, les candidats ont actuellement droit aux examens aux outils de travail qu'ils ont utilisés régulièrement toute l'année en classe : stylo, calculatrices...
A partir du moment où on équipe personnellement chaque élève d'un ordinateur portable ou d'une tablette tactile et qu'on lui demande de venir avec en classe, il est légitime d'autoriser ces mêmes outils aux examens.
Le seul problème restant à régler à ce jour est celui des possibilités de communication (WiFi, 3G...) de ces nouveaux outils, qui pourraient très bien être utilisées à des fins de triche en examen.
Mais sans doute suffira-t-il, comme on l'a déjà fait avec les calculatrices, de demander aux constructeurs de concevoir de nouveaux produits munis d'un "mode examen", avec là encore une diode garantissant aux surveillants que le mode examen est activé et que le candidat ne peut donc pas tricher.
Peut-être justement que Texas Instruments, Casio et Hewlett Packard qui ont déjà développé la technologie du mode examen pour calculatrices, pourront se reconvertir là-dedans ?
Au final, ce nouveau programme atteindra-t-il ses objectifs, à savoir la réussite scolaire de tous les élèves, particulièrement en mathématiques où le niveau moyen évalué lors de tests et examens est faible ?
Il est peu pertinent à notre avis de forcer ainsi en moins d'un an tous les enseignants à faire quelque chose en quoi ils ne croient pas tous, au lieu de les laisser y aller chacun à son propre rythme.
Si les outils TICE peuvent effectivement aujourd'hui paraître magiques aux concepteurs du programme et même à nous qui n'avons pas eu la chance d'en bénéficier lors de notre scolarité, c'est à notre avis loin d'être le cas pour les générations montantes qui sont littéralement nées avec un smartphone entre les mains.
Certains élèves plus prédisposés que d'autres vont très probablement se régaler avec ces nouveaux programmes, mais ce ne sera pas à notre avis le cas de la majorité.
Cela fait des décennies que l'on tente en France d'adapter les programmes scolaires à l'élève, avec les résultats que l'on constate aujourd'hui.
Pourquoi se dépêcher d'aller encore plus loin devrait-il inverser la tendance ? Le problème est avant tout social, et à défaut de s'y attaquer, d'interdire les notes inférieures à 10 ou encore de supprimer complètement les notes, l'échec scolaire n'est pas prêt de disparaître.
Quoiqu'il en soit nous sommes visiblement à l'aube d'une révolution technologique des pratiques au collège, et il va être fort intéressant de voir quels constructeurs arriveront à suivre, survivre et s'imposer dans les prochaines années.
Téléchargement : http://cache.media.education.gouv.fr/fi ... 469229.pdf