Nous t'annoncions son arrivée dans un
article précédent, le voici enfin en exclusivité mondiale, le prototype de la
TI-92 sortie pour la rentrée 1995 !
Selon son vendeur ce prototype a été utilisé dans le contexte du développement de la
TI-92, plus précisément dans le cadre des tests et retours d'enseignants.
Les signes distinctifs sont légers, heureusement que
Frédéric Desautels a de bons yeux.
Par rapport à une
TI-92 de production, on peut noter :
- Sur le couvercle, le relief avec les nom et logo de Texas Instruments présente ici un cadre rectangulaire.
- Sur la face avant, la touche de verrouillage avec la main présente un visuel différent, sans manche ni poignet.
Au moins 3 visuels différents avaient été envisagés par TI pour cette touche selon les illustrations qui ont varié dans les communications promotionnelles de l'époque :
- Sur la tranche supérieure, les inscriptions accompagnant les différents éléments semblent écrasées verticalement.
Notons que le prototype
TI-92 est ici muni du port
ViewScreen pour tablette de rétroprojection, ce qui n'était initialement pas la norme dans cette gamme. Les enseignants devaient se commander des modèles spécifiques dotés de ce port.
Au dos nous avons une étiquette imprimée
Engineering Sample Not for Sale ainsi qu'une étiquette manuscrite
Prototype.
Comme les premières
TI-92 de production, nous apprenons que ce prototype a été assemblé en Italie. Un numéro de série est également présent mais sous un format inversé par rapport à celui des modèles de production italiens,
01182 0595, indiquant donc ici un assemblage en
Mai 1995.
On peut noter également que le marquage
CE ainsi que l'emplacement dégagé pour la zone de texte l'accompagnant sont ici absents.
Il est donc grand temps d'allumer notre prototype
TI-92, et de composer la combinaison secrète
F5
♦
(
pour en connaître la version logicielle.
Et bien curieux, cette
TI-92, la plus ancienne connue à ce jour, fait tourner la version
1.12 du
8 Mai 1996, c'est-à-dire la dernière.
Quelle déception...
Mais aussi quel paradoxe, puisque la
TI-92 n'utilise pas de mémoire
Flash et ne peut donc pas être mise à jour ?
Mais ne nous décourageons pas pour le moment, poursuivons l'exploration et retirons le capot arrière, ce qui permet entre autres d'accéder aux piles.
On peut ici encore comparer à un modèle de production. Les cadres prévu pour indiquer les spécifications des piles sont ici vierges. On note également ici l'absence du timbre à date gravé.
En réalité, il est possible de mettre à jour une
TI-92 car elle dispose d'un emplacement pour un module
ROM amovible.
Sur le plan commercial cette possibilité n'a été que partiellement exploitée par
Texas Instruments. Pendant toute la durée de vie de la
TI-92 il n'était pas possible d'acheter un module de mise à jour de la calculatrice. Ce n'est qu'après l'arrêt de la
TI-92 que
Texas Instruments a commercialisé des modules pour la mettre au niveau des modèles successeurs :
- module TI-92 E pour transformer une TI-92 en TI-92 II
- module TI-92 Plus pour transformer une TI-92 ou TI-92 II en TI-92 Plus
Ouvrons donc le compartiment en question et ô surprise...
Le module
ROM dispose d'un format visiblement complètement différent de ceux équipant les modèles de production avec des verrous sur les côtés, mais quelle trouvaille exceptionnelle !
Une étiquette nous indique un numéro
0118?1 comparable au numéro de série
01182 0595 vu au dos plus haut.
En fait il semble y avoir 2 étiquettes collées l'une sur l'autre, alors profitons-en pour réorganiser cela. L'étiquette masquée nous indique pour sa part
0508.
On peut se féliciter que
Texas Instruments n'ait pas conservé ce format, car le module est très difficile à retirer. Une fois ses attaches latérales déverrouillées il ne sort pas tout seul, et il n'y a quasiment aucun espace libre autour pour faire levier avec quelque chose.
Le voilà donc enfin et ô surprise, la connectique n'a absolument rien à voir avec celle des modules ciblant les modèles de production, décidément un des prototypes les plus intéressants à passer entre nos mains !
Ici donc pas de brochage, mais des connecteurs
Zebra, bandes de caoutchouc multi-conducteurs très utilisées sur les calculatrices scientifiques pour relier la carte électronique et l'écran. Sûrement que
Texas Instruments en avait plein sous la main.
Par expérience ces connecteurs sont aussi très fragiles et sujets à faux contacts au moindre décalage, ce qui explique le compartiment complètement étriqué ici. Même si ils semblent ici toujours fonctionner correctement après plus de 25 ans, cette calculatrice n'a pas dû souffrir d'une lourde utilisation depuis. Avec le changement de connectique nous avons peut-êtré échappé au pire.
On trouve une référence sur la carte du module,
1113530-0001, n'ayant absolument rien à voir avec celles des modules de production.
Sont utilisées ici 2 puces
ROM de chez
Intel, des
E28F008SA-120, ce qui est déjà une petite anomalie.
En effet sur les modèles de production la capacité totale des puces
ROM TI-92 fait
1 Mio. Ici c'est chaque puce qui fait
1 Mio pour une capacité totale donc de
2 Mio. Mais après dans ce sens, cela n'empêche pas le fonctionnement.
Autre différence notable, contrairement aux modules équipant les
TI-92 de production et
TI-92 II, il n'y a pas utilisation de puces
EPROM mais
Flash ROM !
C'est-à-dire qu'en théorie, le module
ROM de ce prototype était reprogrammable logiciellement. Après, nous ignorons si cette possibilité a été utilisée en pratique. Et si cela fut le cas, nous ignorons si c'était possible directement depuis la calculatrice en question sans doute connectée à un ordinateur envoyant les données à inscrire, ou si il fallait connecter directement le module via une interface dédiée.
Bref, voilà pourquoi ce prototype
TI-92 fait tourner la dernière version
1.12, afin que les représentants de
TI puissent continuer à faire des démos optimales auprès des enseignants, le module
ROM a probablement été soit mis à jour, soit remplacé.
Mais attends visiblement nous n'avons pas encore terminé l'exploration logicielle... Que voit-on là au fond du compartiment
ROM ? Une puce
ROM interne !
Les
TI-92 peuvent en effet utiliser à la fois :
- une ROM interne
- une ROM externe, celle du module enfichable
Si les deux
ROMs sont présentes simultanément, c'est la
ROM externe qui a la priorité d'amorçage.
Les premières
TI-92 de production n'avaient pas de
ROM interne. C'est-à-dire que si l'on retirait le module
ROM, la calculatrice ne pouvait plus fonctionner.
Ce n'est que très tardivement avec les dernières versions
1.11 et
1.12 que certaines
TI-92 sont venues équipées d'une
ROM interne.
Et bien rallumons donc ce prototype
TI-92 sans son module
ROM... bingo, il marche !
Et cette fois-ci nous sommes donc sur la
ROM interne
LH538500CN d'une capacité de
1 Mio et qui n'utilise pas de technologie
Flash.
Nous ne sommes donc sûrement plus en version
1.12 mais sur la version d'origine en développement à date de l'assemblage du prototype...
Et double bingo, la combinaison
F5
♦
(
nous révèle une version absolument inconnue,
0.5d23 datant du
16 Janvier 1995, avec même un
copyright de 1994 !
De très loin la plus ancienne version
TI-92 jamais vue, et sans doute sera-t-elle très enrichissante à explorer !
En tous cas l'écran de diagnostics que l'on atteint alors est beaucoup plus bavard que celui des versions de production. Il indique l'état des
stacks, ainsi que la mémoire
RAM libre
(d'une capacité de 128 Kio sur les modèles de production).
Une mission très importante pour nous sera donc de
dumper cette version
0.5d23 pendant que la calculatrice fonctionne encore.
Et nous allons sans doute avoir besoin d'aide. Contrairement à la
TI-92 Plus, la
TI-92 n'avait pas d'instruction
Asm() pour exécuter du code machine.
Le
shell Fargo permettant de rajouter une gestion des programmes en langage machine s'installe en envoyant un fichier
backup taillé sur-mesures pour chaque version
TI-92 connue de son développeur.
Il est donc a priori strictement impossible d'installer
Fargo sur une version
TI-92 inconnue...
Le menu de diagnostics auquel on accède par la suite est également plus complet que celui des versions de production. Il offrait encore des options visiblement retirées par la suite :
- PEEK pour lire un octet à n'importe quelle adresse
(mais bon ce n'est hélas pas envisageable de dumper le contenu ROM juste avec ça, la manipulation d'accès à l'option et de saisie de l'adresse sur 6 chiffres hexadécimaux devant être réalisée un million de fois...) - et POKE qui permet à la différence d'écrire un octet
On obtient également le
CRC de la
ROM contenant la version
0.5d23,
6675FA9A.
Le matériel confirme ici encore le caractère hautement intéressant de ce très jeune prototype.
Le carte mère est très différente de celle des premiers modèles de production :
- on retrouve les 5 puces Toshiba faisant office de contrôleurs d'écran (2 puces T6A40 et 3 puces T6A39), mais dans une organisation spatiale différente
- on retrouve la RAM de 128 Kio TC551001 de chez Toshiba, mais dans un format de puce complètement différent (DIP SOP)
- et bien évidemment on retrouve le processeur SC414181FG16 de chez Motorola
La carte du prototype semble être prévue pour une alimentation externe, peut-être pour éviter d'avoir à s'embêter avec des piles lors de la phase de développement. En effet 2 contacts estampillés
VCC et
GND (masse) sont présents dans un rectangle marqué
TEST sur la droite, contacts retirés sur les cartes des modèles de production.
Pas de référence de ce côté-ci, juste une inscription
SMAP COMP sur le bord droit.
Sur la carte du prototype c'est de l'autre côté que l'on trouve la référence,
1113501-0001. Une référence ici encore au format complètement différent des modèles de production, mais similaire à la référence
1113530-0001 trouvé plus haut dans le module
ROM.
À bientôt on espère, ancien acteur de la communauté TI-68k ou nouveau venu, n'hésite pas à nous apporter ton aide.
Malgré son intérêt historique essentiel il ne nous sera pas possible de publier l'image ROM 1.5d23 si jamais nous arrivons à la dumper.
En effet Texas Instruments combat farouchement la diffusion d'images ROM de ses calculatrices, car elles sont directement utilisables pour faire fonctionner des émulateurs non officiels, notamment sur smartphones et tablettes, ce qui évite ainsi d'avoir à acheter une calculatrice.
Toutefois, nous sommes prêts à partager l'image ROM en privé, auprès de toutes les personnes qui auront contribué à son extraction et donc sa sauvegarde.