L'introduction nous annonce déjà la couleur polémique de l'article:
Lors des épreuves scientifiques du baccalauréat, l’usage des calculatrices, toujours plus sophistiquées, offre de nombreuses possibilités aux lycéens. Attention cependant à rester du bon côté de la loi.
Nombres de lycéens feraient donc une utilisation illégale de la calculatrice ? Voyons voir ce qui se dit dans l'article sur les lois en question.
«elles permettent de faire face à pas mal d’oublis, voire de faire l’impasse sur quelques révisions de formules. Il suffit d’intégrer ces formules quelques jours avant les épreuves, puis d’apprendre à les réutiliser sans forcément les connaître» poursuit-il. Une pratique devenue presque courante chez les lycéens qui n’hésitent pas à «bidouiller», parfois pendant de longues heures, leurs calculatrices.
Depuis 2000, la circulaire 99-186 fixe néanmoins un certain nombre de règles à leur utilisation lors des examens prévus par l’Education nationale. Et, le moins que l’on puisse dire, est que la frontière entre situation de fraude et situation autorisée est fine, voire poreuse.
Déjà l'utilisation de la calculatrice aux examens est possible depuis la session 1980 et a toujours été réglèmentée, la première circulaire à ce sujet datant de 1979.
On croirait à la lecture du dernier paragraphe commençant par une opposition au précédent, que la circulaire de 1999 a durci les règles d'utilisation de la calculatrice jusqu'alors inexistantes ou plus tolérantes.
Non, la circulaire de 1999 ne dit d'ailleurs que très peu de choses au sujet des calculatrices:
Education Nationale wrote:Le matériel autorisé comprend toutes les calculatrices de poche y compris les calculatrices programmables, alphanumériques ou à écran graphique à condition que leur fonctionnement soit autonome et qu'il ne soit pas fait usage d'imprimante.
[...]
- Le candidat n'utilise qu'une seule machine sur la table. Toutefois, si celle-ci vient à connaître une défaillance, il peut la remplacer par une autre.
- Afin de prévenir les risques de fraude, sont interdits les échanges de machines entre les candidats, la consultation des notices fournies par les constructeurs ainsi que les échanges d'informations par l'intermédiaire des fonctions de transmission des calculatrices.
C'est tout, et nous apprécions que l'article se doit donné la peine de lier dès le départ le texte applicable.
Mais...
Dans tous les cas, qu’il s’agisse de l’épreuve de SVT, de mathématiques ou encore de SES, apportez votre calculcatrice. Elles sont de plus en plus régulièrement autorisées ; et dans le cas contraire, l’interdiction vous sera clairement signifiée à l’oral, et indiquée sur la copie de votre sujet. Notez cependant, qu’afin d’éviter de favoriser les détenteurs de calculatrices ultra-perfectionnées, il est demandé aux professeurs en charge de l’élaboration des sujets de veiller à limiter au maximum l’usage de la calculatrice, ou de la réduire à l’utilisation de ses fonctions les plus simples.
Drôle d'interprétation devant les épreuves citées...
La calculatrice est toujours autorisée en mathématiques depuis aussi loin que remontent mes archives (années 1990), l'est apparemment systématiquement depuis cinq ans en Physique Chimie, et ne l'est jamais en SVT.
Je ne vois aucune raison de dire qu'elle soit "de plus en plus régulièrement autorisée" dans le contexte de ces matières.
D'autre part, concernant les mathématiques bien au contraire, certaines questions-type rajoutées récemment sur les lois normales, régressions affines (séries ES) ou algorithmes, nécessitent obligatoirement une calculatrice.
Il est donc complètement faux d'écrire que les concepteurs de sujets ont pour consignes de limiter au maximum l'usage de la calculatrice, la tendance étant contraire aujourd'hui.
C'est une mauvaise interprétation par le journaliste de la circulaire de 1999:
Education Nationale wrote:Les auteurs de sujets prendront toutes les dispositions nécessaires pour ne pas favoriser les possesseurs de matériels trop perfectionnés, en fournissant, par exemple, aux candidats des documents avec les sujets.
Faire en sorte que les possesseurs de calculatrices haut de gamme ne soient pas favorisés par le sujet et limiter l'utilisation de la calculatrice sont deux choses complètement différentes.
Mais continuons notre lecture:
Deux précisions utiles: le terme «calculatrice» répond à des critères précis, qui excluent tous les appareils se rapprochant d’un smartphone, d’une tablette ou encore d’un ordinateur portable ; tandis que le fonctionnement «autonome» désigne l’interdiction formelle de toutes formes de connexion (USB, WIFI, Bluetooth, etc.) de l’appareil.
Là encore, le journaliste se permet d'interpréter la circulaire à sa sauce, et est quasiment en train de nous expliquer que les TI-Nspire CX CAS, Casio Prizm, Casio fx-CP400 ou HP-Prime (appareils se "rapprochant" effectivement d'un smartphone de part leur design, leur écran couleur et pour certains leurs batterie et fonctionnalités tactiles) seraient interdits.
Mais bon jusque-là, vous me direz que ces imprécisions et libertés d'interprétation prises par le journaliste sont des détails avec lesquels je vous embête.
Certes... C'était juste pour vous amener doucement vers l'énormité que le journaliste s'est permis d'écrire:
Les données entrées en mémoire d’une calculatrice doivent être des fonctions, des aides, et non des réponses directes aux questions du sujet. Plan de cours, définitions précises ou exercices types sont donc formellement interdits
Alors là, nous ne sommes plus dans l'interprétation de la circulaire, mais dans l'invention la plus totale.
C'est de la désinformation des plus honteuses.
Aucun texte réglementant l'utilisation des calculatrices ne parle du contenu des calculatrices. Aucun donc n'autorise ou interdit les 'fonctions', 'aide', 'réponse', 'plan', "définition précise" ou 'exercice'.
(sans compter que les termes avancés par le journaliste auraient besoin d'une bonne définition dans un tel texte si il existait... je ne vous dis pas le paragraphe qu'il faudrait pour définir une "définition précise" par exemple...)
et les condamnations, en cas de manquement à cette règle, sont lourdes: de l’annulation de votre baccalauréat jusqu’à l’interdiction de repasser un examen durant de longues années.
Il est facile de continuer d'inventer et affirmer tout et n'importe quoi quand on ne cite pas de source.
Les peines encourues citées sanctionnent en effet les fraudes de façon générale, et sont prononcées ces dernières années entre autres pour l'utilisation du Smartphone.
Il n'y a jamais eu, dans l'Education Nationale, de condamnation pour la présence de données sur la calculatrice à une épreuve où elle était autorisée.
Citons d'ailleurs les consignes de surveillance reprenant et précisant légèrement la circulaire de 1999:
Education Nationale wrote:Calculatrices (dans le cas où la calculatrice est autorisée par le sujet): Conformément à la circulaire du 16 novembre 1999, le matériel autorisé comprend toutes les calculatrices de poche, y compris les calculatrices programmable, alphanumériques, ou à écran graphique à condition que leur fonctionnement soit autonome et qu'il ne soit pas fait usage d'une imprimante, ni de modules ou de disquettes enfichables.
[...]
Les données contenues en mémoire ne doivent pas être effacées en début d'épreuve.
Ce qui est exact, c'est qu'il y a eu une confirmation de condamnation d'un candidat au BAC Technologique agricole pour fraude avec la calculatrice par le Tribunal Administratif de Rennes en 1999:
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T.A. de Rennes, 16 septembre 1999
Lors de l’épreuve de sciences et techniques du baccalauréat technologique, où l’usage de la calculatrice est autorisé, le requérant a été surpris consultant à l’écran de sa calculatrice des données de biologie qu’il avait enregistrées préalablement à l’épreuve.
Le directeur régional de l’agriculture et de la forêt, puis le ministre de l’agriculture sur recours hiérarchique, considérant que le candidat avait commis une fraude, ont prononcé l’annulation des épreuves de l’examen pour le requérant en se fondant sur l’article R.811-174 du code rural.
L’intéressé a contesté auprès du tribunal, sur la forme et sur le fond, les décisions du directeur régional de l’agriculture et de la forêt et du ministre. Sur la forme, le requérant affirmait n’avoir pas reçu le rapport du président de jury avant que le directeur régional ne prononce sa décision, comme le prévoient les textes. Sur le fond, il soutenait qu’il n’avait pas eu l’intention de frauder et que l’utilisation de calculatrices était autorisée par note de service sans précisions sur l’usage pouvant en être fait.
Le tribunal a rejeté la requête sur la forme et sur le fond.
Sur la procédure : lorsque, comme en l’espèce, l’annulation d’un examen est prononcée pour fraude en application de l’article R.811-174 du code rural, la décision d’annulation est prise soit par le DRAF, soit par le ministre de l’agriculture selon que l’examen a été organisé par l’une ou l’autre de ces autorités.
L’article R.811-176 prévoit que, dans tous les cas, il peut être fait appel dans un délai de huit jours de la décision prise. Dès lors que l’intéressé entend utiliser cette procédure de recours administratif préalable. Pour contester la décision du DRAF, il doit se conformer à la procédure définie à l’article R.811-176 précité qui revêt alors un caractère obligatoire.
A l’issue de ce recours, la décision du ministre se substitue à celle du directeur régional. Les conclusions en annulation dirigées contre la décision initiale du DRAF sont donc irrecevables.
Dès lors, les moyens invoqués à l’encontre de cette décision sont inopérants à l’égard de la décision du ministre qui s’est substituée à celle du directeur et qui a été régulièrement prise.
Sur le fond : l’intéressé ne peut invoquer pour sa défense ni sa bonne foi, ni l’imprécision de la note de service autorisant l’utilisation de calculatrices dans les épreuves écrites des examens de l’enseignement technique agricole, ni de conseils erronés qui lui auraient été donnés par ses enseignants sur l’usage des calculatrices.
Dès lors que le candidat a introduit, grâce à sa calculatrice, pendant le déroulement de l’examen, des données textuelles précises susceptibles d’être utilisées directement pour répondre au sujet de l’épreuve .et suppléer ainsi à ses défaillances, il doit être regardé comme ayant commis une fraude au sens de l’article R.811-174 du code rural, entraînant pour son auteur l’annulation de l’examen.
L’autorisation d’utiliser des calculatrices n’a évidemment pas pour objet de permettre l’introduction pendant les épreuves de données précises en rapport avec le sujet de l’épreuve de nature à faire échec au but de tout examen qui est de contrôler l’acquisition des connaissances par les candidats.
Le tribunal a donc rejeté l’ensemble des moyens de forme et de fond soulevés par le requérant.
DGER/POFEGTP Bureau des examens, concours et diplômes - IP in La lettre juridique
Lors de l’épreuve de sciences et techniques du baccalauréat technologique, où l’usage de la calculatrice est autorisé, le requérant a été surpris consultant à l’écran de sa calculatrice des données de biologie qu’il avait enregistrées préalablement à l’épreuve.
Le directeur régional de l’agriculture et de la forêt, puis le ministre de l’agriculture sur recours hiérarchique, considérant que le candidat avait commis une fraude, ont prononcé l’annulation des épreuves de l’examen pour le requérant en se fondant sur l’article R.811-174 du code rural.
L’intéressé a contesté auprès du tribunal, sur la forme et sur le fond, les décisions du directeur régional de l’agriculture et de la forêt et du ministre. Sur la forme, le requérant affirmait n’avoir pas reçu le rapport du président de jury avant que le directeur régional ne prononce sa décision, comme le prévoient les textes. Sur le fond, il soutenait qu’il n’avait pas eu l’intention de frauder et que l’utilisation de calculatrices était autorisée par note de service sans précisions sur l’usage pouvant en être fait.
Le tribunal a rejeté la requête sur la forme et sur le fond.
Sur la procédure : lorsque, comme en l’espèce, l’annulation d’un examen est prononcée pour fraude en application de l’article R.811-174 du code rural, la décision d’annulation est prise soit par le DRAF, soit par le ministre de l’agriculture selon que l’examen a été organisé par l’une ou l’autre de ces autorités.
L’article R.811-176 prévoit que, dans tous les cas, il peut être fait appel dans un délai de huit jours de la décision prise. Dès lors que l’intéressé entend utiliser cette procédure de recours administratif préalable. Pour contester la décision du DRAF, il doit se conformer à la procédure définie à l’article R.811-176 précité qui revêt alors un caractère obligatoire.
A l’issue de ce recours, la décision du ministre se substitue à celle du directeur régional. Les conclusions en annulation dirigées contre la décision initiale du DRAF sont donc irrecevables.
Dès lors, les moyens invoqués à l’encontre de cette décision sont inopérants à l’égard de la décision du ministre qui s’est substituée à celle du directeur et qui a été régulièrement prise.
Sur le fond : l’intéressé ne peut invoquer pour sa défense ni sa bonne foi, ni l’imprécision de la note de service autorisant l’utilisation de calculatrices dans les épreuves écrites des examens de l’enseignement technique agricole, ni de conseils erronés qui lui auraient été donnés par ses enseignants sur l’usage des calculatrices.
Dès lors que le candidat a introduit, grâce à sa calculatrice, pendant le déroulement de l’examen, des données textuelles précises susceptibles d’être utilisées directement pour répondre au sujet de l’épreuve .et suppléer ainsi à ses défaillances, il doit être regardé comme ayant commis une fraude au sens de l’article R.811-174 du code rural, entraînant pour son auteur l’annulation de l’examen.
L’autorisation d’utiliser des calculatrices n’a évidemment pas pour objet de permettre l’introduction pendant les épreuves de données précises en rapport avec le sujet de l’épreuve de nature à faire échec au but de tout examen qui est de contrôler l’acquisition des connaissances par les candidats.
Le tribunal a donc rejeté l’ensemble des moyens de forme et de fond soulevés par le requérant.
DGER/POFEGTP Bureau des examens, concours et diplômes - IP in La lettre juridique
Notez que ce jugement ne se fonde absolument pas sur la circulaire de 1999 qui comme dit plus haut ne dit pas grand chose sur les calculatrices, mais sur le code rural, textes qui s'appliquent spécifiquement aux examens organisés par le Ministère de l'Agriculture (examens professionnels et techniques, dont le BAC Technologique STAV et le BAC Professionnel agricole).
Il fait jurisprudence pour ces seuls examens, dont les sujets autorisant la calculatrice comportent depuis quelques lignes de précisions sur son usage:
Ministère de l'Agriculture wrote:Rappel : Au cours de l’épreuve, la calculatrice est autorisée pour réaliser des opérations de calcul, ou bien élaborer
une programmation, à partir des données fournies par le sujet.
Tout autre usage est interdit.
Ce jugement ne fait absolument pas jurisprudence pour les examens organisés par l'Education Nationale, pour lesquels le code rural ne s'applique pas, dont les sujets n'ont jamais rajouté cette précision.
Précisons d'ailleurs que le BAC S filière écologie, agronomie et territoires, est organisé par l'Education Nationale est rentre donc dans cette dernière catégorie.
Bref, le journaliste a pris de trop grandes libertés d'interprétation, tirant même sur le délire sur la fin de l'article en se permettant d'inventer des règles fictives qui défavoriseront les candidats les moins avisés lecteurs du Figaro.
De la désinformation absolument indigne d'un professionnel de l'information et d'un grand quotidien d'information comme le Figaro.
Espérons, que cet article sera très rapidement corrigé ou supprimé.
Edit: Précisons que suite à cet article, le journaliste a su réagir rapidement et corriger le sien.
Source :
http://etudiant.lefigaro.fr/orientation ... rice-5542/