Depuis les années 80, rien ne semblait avoir vraiment bougé sur ce type de produit, ni techniquement ni pédagogiquement. Ces calculatrices continuaient d'arborer leurs écrans à afficheurs à cristaux liquides numériques (7 segments), leurs sempiternelles touches mémoire [M+], [M-], [MRC], et parfois une alimentation par cellule solaire.
Ce produit complètement figé depuis une 30aine d'années n'aura bénéficié à l'attention de nos élèves du primaire de temps à autres que d'éventuelles améliorations esthétiques consistant en des couleurs attractives pour les plus jeunes, et en des personnalisations avec leurs prénoms ou des images des divers personnages de leur univers. Donc rien de plus que ce que l'on réserve à un simple 'jouet' ...
Et pourtant pour la rentrée 2014, Texas Instruments ose bousculer l'inertie ambiante et lancer une véritable révolution avec une nouvelle calculatrice des plus innovantes, la TI-106 II que nous vous annoncions dans un article précédent suite à son apparition sur les sites Internet Texas Instruments d'Europe du Nord.
Nous avons le plaisir de disposer aujourd'hui de ce produit dans son emballage français, et allons donc le découvrir ensemble avec vous.
Nous remarquons déjà que le produit français semble identique aux premières images publiées sur les sites Texas Instruments d'Europe du Nord. Contrairement à la TI-106 qui avait été rebaptisée "TI-106 écolier" et réhabillée du bleu-jaune au rouge-gris, il n'y aurait donc pas de modèle spécifique pour la France cette fois-ci.
L'emballage nous étale le niveau ciblé du CP au CM2, nous confirme qu'il s'agit bien d'une calculatrice scientifique puisque décrite comme respectant les priorités opératoires, et annonce donc sans surprise une garantie de 3 ans comme pour toutes les calculatrices graphiques et scientifiques de TI conformément à la politique de garantie.
Outre la calculatrice, l'emballage renferme donc sans surprise le certificat international de garantie de 3 ans, mais aussi un manuel bilingue français-néerlandais.
Nous en arrivons donc maintenant à la calculatrice en tant que telle. Elle est munie d'un couvercle de protection coulissant griffé Texas Instruments qui peut se ranger au dos de la calculatrice pendant son utilisation.
Le numéro de série « K-0813 » gravé au dos nous confirme qu'il s'agit bien d'un modèle final, fabriqué dans l'usine de code K, c'est-à-dire l'usine chinoise Kinpo Electronics, Inc. selon le musée Datamath, au mois d'août 2013, et avec la première version du matériel (code de révision matérielle absent).
L'on vérifie facilement que la calculatrice respecte bien les priorités opératoires, et permet de réutiliser le dernier résultat (dénommé 'ANS') dans le calcul suivant. La présence des touches pourcentage et racine carrée (Quatrième) avec leurs symboles associés correctement affichés à l'écran et la gestion des nombres relatifs (Cinquième) sont également fort appréciées.
Mais ce qui change surtout, c'est cet affichage sur deux lignes permettant d'avoir simultanément le calcul et le résultat, en prime liés par un symbole 'égal' !
Une écriture mathématiquement correcte métamorphosant complètement la perception de l'élève se voyant donc présenter non plus un vulgaire nombre mais une égalité. Ce dernier peut donc à tout moment redonner du sens au résultat affiché afin de le reprendre ou pas dans la suite de son raisonnement, puisque sachant de quel calcul il est issu.
Et pour les élèves disposant d'une mémoire visuelle, c'est également un excellent moyen de retenir les lignes des tables de calcul mental sur lesquelles ils ont encore un doute - puisque ce sont justement celles qu'ils vont consulter.
Certes, nombres d'entre vous se rappelleront sans doute de calculatrices ayant ce genre d'affichage à deux lignes, une fonctionnalité courante sur les calculatrices scientifiques scolaires du début des années 2000, et qui fut introduite chez Texas Instruments dès la rentrée 1999 avec notamment les TI-30X II, TI-34 II, et TI-36 II. Mais justement : ces calculatrices étaient prévues pour un niveau collège. Ici c'est la première fois que cette technologie est introduite sur une calculatrice quatre opérations de niveau primaire. En gros, Texas Instruments vient d'offrir aux élèves de primaire l'ensemble des améliorations techniques apportées aux calculatrices scientifiques pour le collège au début des années 2000. Et pour la première fois aussi, il ne s'agit pas de vulgaires améliorations esthétiques sans intérêt pédagogique, mais d'un véritable plus pour les élèves et leurs enseignants.
(source image TI-30X IIB : musée Datamath)
Parlons donc un petit peu de cet écran jamais vu sur une calculatrice primaire. Il est constitué de deux parties distinctes :
- 1 ligne supérieure dédiée à la saisie du calcul et à l'affichage des messages d'erreur avec 10 cellules matricielles 5x7 pixels pouvant afficher chiffres, lettres et signes
- 1 ligne inférieure dédiée à l'affichage du résultat avec 10 cellules à 7 segments pouvant afficher des chiffres, adjoints de 10 afficheurs dédiés pour le séparateur décimal, et complétés des afficheurs dédiés usuels pour la mémoire, le signe négatif et les séparateurs de milliers, millions et milliards
L'ensemble des nombres pouvant être saisis et affichés est très confortable – il s'agit de celui des nombres décimaux signés à 10 chiffres significatifs, soit de -999'999'999 à +999'999'999, et ce qui autorise une précision décimale jusqu'à 10-9.
Toutefois en interne, les calculs peuvent être effectués sur des nombres jusqu'à 13 chiffres significatifs. Cette possibilité technique bien que non exploitée pour élargir l'intervalle ci-dessus, repousse toutefois la précision décimale jusqu'à 10-12.
En effet, ce n'est qu'à partir de la nécessité d'un 14ème chiffre significatif que la calculatrice commence à faire des approximations de calculs, une précision donc identique à celles des calculatrices graphiques TI non formelles !
- Code: Select all
(0,000000001/1000+1-1)*1000=0,000000001
(0,000000001/10000+1-1)*10000=0
Passons maintenant au détail du clavier. Par rapport à l'ancienne TI-106, nous remarquons que la nouvelle TI-106 II ajoute une ligne de 4 touches supplémentaires, dont les touches parenthèses qui seront fort appréciées (Cinquième).
Mais on remarque aussi des touches de défilement gauche et droite, car oui cette nouvelle calculatrice est prévue pour permettre la saisie de longues suites de calcul. Les expressions entrées peuvent occuper jusqu'à 100 caractères, et le curseur change même de forme à partir de 92 caractères saisis, indiquant ainsi que la limite est proche et laissant à l'utilisateur le temps d'adapter son calcul en conséquence.
Une possibilité fort intéressante permettant d'une part à tout moment à l'élève de corriger facilement et rapidement l'expression en cours, l'amenant ainsi à développer des compétences de relecture et d'autonomie qui seront fort appréciées dans la suite de sa scolarité. Mais d'autre part, c'est aussi une formidable liberté de saisie laissant à chaque élève la liberté d'évoluer à son propre rythme dans sa découverte des calculs et des expressions mais aussi dans son utilisation de la calculatrice, au lieu de l'emprisonner dans un carcan.
Au final malgré ce qu’indique l'emballage, la TI-106 II est donc une calculatrice qui peut être conservée sans problème jusqu'en Cinquième, et même pour une partie de la classe de Quatrième.
Les seules choses qui pourraient faire défaut à partir de la Sixième et de la Cinquième seraient l'absence de gestion des fractions, ainsi que la touche pour la constante π mais que l'on remplacera de toutes façons par 3,14 à ce niveau-là. En ce qui concerne la gestion des fractions, elle n'est pas essentielle selon le programme officiel. En effet ce dernier ne mentionne aucune manipulation de la calculatrice sur ce thème. Par contre dès la Quatrième, le programme mentionne clairement une utilisation de la calculatrice dans le contexte des calculs de puissances ou fonctions trigonométriques, et là il ne sera pas possible de passer outre avec ce modèle.
Pour finir, découvrons ensemble le matériel de cette nouvelle calculatrice. Il se constitue d'une unique carte mère avec un circuit intégré central 'U1' protégé sous une bulle d'epoxy solide, reliée par une nappe à l'écran à cristaux liquides et par 4 câbles aux alimentations par cellule solaire et par pile bouton LR44 de 1,5 Volts.
La cellule solaire placée sous un bon éclairage semble être parfaitement capable de fournir à elle seule ces 1,5 Volts, et dans ces conditions la calculatrice arrive même à s'allumer et à fonctionner parfaitement en l'absence de pile !
Les deux alimentations sont donc connectées en parallèle de façon indépendante. Déjà qu'une pile bouton dure relativement longtemps, qu'un écran à cristaux liquides monochrome ne consomme quasiment rien, et qu'en prime la cellule solaire semble capable à elle toute seule de remplacer totalement la pile dans de bonnes conditions d'éclairage (ce qui sera au moins le cas en classe), il y a fort à parier qu'il n'y aura pas besoin de remplacer la pile de toute une scolarité – un beau geste pour l'environnement !
On remarquera pour terminer une étrange curiosité dans cette calculatrice, la présence sur la partie visible de la carte mère de deux contacts pour des boutons 'Off' et 'Reset', boutons pourtant visiblement absents du dos de la calculatrice.
Le contact 'Off' est bel et bien fonctionnel, toute application d'un objet conducteur entraînant l'extinction de la calculatrice. Toutefois, en l'absence d'utilisation, la calculatrice s'éteint toute seule au bout d'environ 5 minutes. Cette fonctionnalité, couplée à la consommation très faible de la calculatrice et à son alimentation hybride peut expliquer l'absence d'une touche [Off] jugée peu utile, comme sur nombre d'appareils électroniques modernes que l'utilisateur n'a pas la possibilité d'éteindre complètement sans devoir les débrancher.
Mais quel pourrait par contre être le rôle d'un bouton 'Reset' sur ce modèle ? Ce bouton est usuellement utilisé sur des calculatrices plus évoluées afin de les réinitialiser en cas de plantage ou blocage, ce qui se produit habituellement en cas de déclenchement d'un bug (qu'il soit dû au constructeur ou à l'utilisateur). Un tel bouton évite ainsi d'avoir à retirer l'alimentation pour réinitialiser, manipulation pas toujours simple. Nous confirmons d'ailleurs que ce contact 'Reset' est là encore fonctionnel, et que la mise en contact avec un objet conducteur remet bien la calculatrice à zéro.
Mais un tel plantage peut-il se produire sur une simple calculatrice 4 opérations ? Et bien la réponse est oui : toutes les calculatrices de ce type peuvent planter lorsque la tension d'alimentation devient trop faible.
L'existence d'un tel bouton sur une calculatrice solaire est donc d'une part essentielle puisqu'il n'est pas possible de couper complètement l'alimentation, à moins d'aller se mettre dans l'obscurité la plus totale ou de se munir d'un fer à souder.
Mais dans notre cas ici, les seules conditions pouvant générer un tel blocage de la calculatrice seraient avec une pile LR44 absente ou à plat, et de plus sous un mauvais éclairage. En pratique cela ne devrait pas arriver de toute la scolarité comme déjà expliqué, et le choix de laisser ce contact seulement accessible en interne pour les centres de service Texas Instruments est donc compréhensible.
Pour conclure, avec la TI-106 II, Texas Instruments considère que la calculatrice quatre opérations du primaire se doit être un véritable outil conçu pour les élèves dans le but de les accompagner dans leur apprentissage du calcul, dans leur découverte des mathématiques, et dans la résolution de problème. Comme le disait Albert Barillé, Texas Instruments traite ces élèves comme de véritables adultes en construction capables de comprendre bien plus que ce que l’on pense, et non comme des enfants dénués de personnalité ou de capacité de réflexion se devant bêtement d'ingérer des connaissances immuables tels des robots. Un choix pédagogique inédit et historique dans ce contexte, là où la calculatrice quatre opérations n'avait techniquement pas changé depuis 30 ans, semblant considérer que les élèves de primaire n'avaient besoin de rien et surtout pas de raisonner, ou qu'ils n'étaient pas dignes d'intérêt ou d'investissements. Au final un pari innovant, courageux et ambitieux que nous saluons en tant que tel, mais aussi car il devrait enfin pousser les autres constructeurs à investir et innover, faisant enfin bouger les choses sur cette famille de produits restée bien trop longtemps à l'écart de l'évolution technologique.
Espérons donc que la TI-106 II rencontrera dès la rentrée 2014 tout le succès qu'elle mérite, et ce afin que la révolution initiée par Texas Instruments puisse donc se poursuivre, certes pour le bien des enseignants de primaire et de leurs élèves, mais aussi pour les futurs citoyens que ces derniers sont appelés à devenir.