Pour commencer et pour comprendre justement pourquoi c'est possible, petite clarification du mode examen 2018+ à l'usage des candidats et surveillants.
Le mode examen à activer pour les examens 2018+ confirme son bon fonctionnement au surveillant en produisant un signal lumineux régulier de période d'environ 1Hz sur une diode sur la tranche supérieure de la calculatrice.
Le clignotement de cette diode ne signifie pas que la mémoire de la calculatrice est vide, mais qu'elle a été vidée il y a un certain temps, normalement en début d'épreuve, et cette nuance va être très importante pour la suite.
C'est donc avant même le démarrage de l'épreuve que le surveillant devra faire toutes les vérifications qu'il juge utiles.
Si un surveillant avait l'idée de fouiller une calculatrice en cours d'épreuve (ce qui, contrairement aux smartphones, ne repose à ce jour sur aucune base réglementaire puisque c'est un matériel autorisé à la différence), il pourrait parfaitement trouver des données que le candidat a tapées depuis le début de son épreuve, comme par exemple une retranscription de ce qu'il se souvient des fiches qu'il révisait encore dans le couloir, ce qui reste parfaitement autorisé à ce jour.
Dans l'esprit des textes, aucune donnée introduite par le candidat ne doit plus être accessible au démarrage de l'épreuve. Rien n'interdit par contre les données du constructeur, ainsi que les données que le candidat saisira par la suite pendant son épreuve.
Ce qui en passant pose un énorme problème d'égalité, puisque les candidats ayant opté pour des modèles d'entrée de gamme moins chers où les constructeurs sont donc moins généreux, ne peuvent plus rajouter les fonctionnalités manquantes parfois essentielles avec des programmes gratuits. Citons parmi ces énormes problèmes :
- absence de calcul matriciel sur la Casio Graph 25+E
- absence des lois normales et binomiales sur la Casio Graph 25+E
- absence de calcul vectoriel sur les Casio Graph 25/35/75+E
- absence des fonctions de probabilités inverses sur les Casio Graph 25+E, TI-82 Advanced et TI-Nspire
- absence d'un moteur de calcul exact sur la TI-82 Advanced
- calculs des quartiles faux sur les TI-82 Advanced, TI-Nspire et HP Prime
- absence d'un convertisseur de base sur les TI-82 Advanced et TI-83 Premium CE
- absence des constantes physiques et du tableau périodique des éléments sur les Casio Graph 25/35/75+E, Casio fx-CP400+E, TI-Nspire non-CAS et HP Prime
- absence d'un convertisseur d'unités sur les Casio Graph 25/35+E, Casio fx-CP400+E et TI-Nspire non-CAS
Bref, comment contourner le mode examen donc dans ce contexte ?
Il existe une méthode générale et très facile - il s'agit de la méthode par préactivation du mode examen.
En théorie, l'idée est que le candidat préactive le mode examen chez lui bien avant son épreuve, ce qui fait certes bien disparaître toutes les données personnelles préexistantes. Mais maintenant que la calculatrice est en mode examen, le candidat a tout le temps d'introduire les données de son choix.
Arrivé à son épreuve, il pourra raconter gentiment au surveillant mal informé qu'il a voulu lui faire gagner du temps...
Ou encore dire au surveillant qui insiste malgré tout qu'il n'a sur lui aucun moyen de désactiver le mode examen, ce qui est vrai puisque tout a été fait pour rendre cette désactivation très contraignante (nécessité de connexion à une 2ème calculatrice compatible, ou bien à un ordinateur muni des logiciels adéquats)...
Ou encore se prévoir un moyen de faire croire que la calculatrice n'est pas en mode examen en masquant le clignotement de la diode, ce qui pourra aller selon les compétences du candidat du simple scotch opaque couleur calculatrice qu'il retirera en début d'épreuve en espérant ne pas être vu (les 2-3 surveillants maximum par salle ne peuvent avoir les yeux partout en même temps), jusqu'à un véritable bricolage d'une discrète trappe intégrée au boîtier pour obturer l'orifice de la diode de l'intérieur.
Et voilà, le candidat est donc maintenant à son épreuve en mode examen et avec ses données, et la calculatrice ne disposant pas de dateur il n'est plus possible de prouver qu'elles ont été introduites avant le début de l'épreuve.
C'est une méthode connue par nombre d'enseignants de Mathématiques ou Physique-Chimie avec lesquels nous avons pu échanger aux journées APMEP, mais visiblement pas par tout-le-monde puisque certains enseignants exigent déjà cette année le mode examen pour leurs Devoirs Surveillés en classe, mais pour gagner du temps demandent aux élèves de l'activer chez eux. Comme ça, les élèves ont tout le loisir de s'entraîner sur cette méthode de fraude...
Rappelons de plus que les surveillants d'une épreuve ne sont à ce jour pas forcément des enseignants de la matière en question, et ne seront donc pas forcément aussi bien informés que leurs collègues.
En pratique maintenant, est-ce que c'est vraiment une méthode de fraude idéale pour les candidats ?
La réponse est non pour la quasi-totalité des modèles, ce que tous les enseignants nous ayant interrogés à ce sujet aux journées APMEP ignoraient justement.
En effet sur presque tous les modèles, tout transfert de données avec le câble désactive le mode examen et éteint donc la diode, ce qui réduit à néant l'intérêt de la manipulation.
La seule façon d'introduire des données en mode examen est donc de les saisir à la main au clavier, ce qui, même avec les rares candidats voulant passer plusieurs heures à taper la veille de leur épreuve, limitera quand même énormément la quantité, sans compter que le clavier de la calculatrice n'est pas Azerty/Qwerty et ne convient donc pas aux longues saisies.
Seule exception, les calculatrices TI-Nspire qui ont un mode examen qu'il est bien plus difficile de désactiver, et qu'un simple transfert de données USB ne dérange absolument pas - clairement un avantage du point de vue candidats.
Précisons également que cette méthode est totalement inutile sur les calculatrices HP Prime, puisque le menu officiel de personnalisation du mode examen laisse le candidat librement choisir si il souhaite activer le mode examen en conservant ou pas ses données personnelles.
En pratique cela produit un signal lumineux tricolore différent sur 3 diodes au lieu de la seule diode verte centrale, ce qui pourra certes avertir les rares surveillants connaissant ce modèle de la fraude, mais il est plus que facile sur une machine personnelle d'avoir neutralisé au préalable les deux diodes adjacentes :
En conclusion, il est parfaitement possible d'introduire des données à un examen 2018+ :
- avec la HP Prime, de façon massive et extrêmement facile par personnalisation du mode examen et éventuellement neutralisation de deux diodes
- avec la TI-Nspire, de façon massive par préactivation du mode examen (*)
- avec tous les autres modèles, de façon très limitée par préactivation du mode examen (*)
Le moment crucial pour le surveillant est donc le début de l'épreuve, où il faut vérifier que la diode examen reste bien visible et éteinte pendant au moins 2 secondes sur toutes les calculatrices de la salle.
Et les éventuels retardataires pouvant encore être admis pendant la 1ère heure de composition devront tous être vérifiés de façon similaire, ainsi que les éventuels modèles de remplacement si un candidat demande à changer de calculatrice en cours d'épreuve... bon courage à tous les surveillants !