Quelle était la première calculatrice graphique couleur?
Certains penseront à la TI-Nspire CX de la rentrée 2011-2012... et d'autres à la Casio Prizm fx-CG10/20 sortie courant 2010-2011.
Si tu es un lecteur assidu de TI-Planet, tu sortiras peut-être le
prototype TI-PLT SU1 (alias Toto) présenté par TI au salon international T3 de 2002 à Calgary au Canada.
Et bien non, la calculatrice graphique couleur fut inventée dès 1993 par Casio avec la calculatrice à écran 2-bits cfx-9800G, commercialisée en France sous le nom de cfx-9900GC!
2-bits permettent l'affichage de 2
2=4 teintes différentes pour chaque pixel, teintes parmi lesquelles il faut toutefois compter le cas où le pixel est éteint et est donc de la couleur de fond de l'écran.
Rien à voir donc avec les écrans 16-bits de nos calculatrices récentes depuis 2011 qui permettent 2
16=65536 couleurs.
Toutefois, la gamme des calculatrices Casio 4 couleurs a poursuivi son petit bonhomme de chemin jusqu'en 2008.
Il est assez difficile de reconstituer l'historique des calculatrices graphiques Casio, qui jusqu'à la sortie de la Casio Prizm fx-CG20 utilisaient un nom de modèle différent et non évident pour la France.
De plus, en 1998 Casio amplifie l'exception française en renommant ses modèles en un
"Graph XX", n'ayant plus rien à voir avec les noms de modèles internationaux.
Jugez un peu de la difficulté de l'établissement des équivalences:
- La cfx-9850GB PLUS commercialisée en France sous le nom de cfx-9940GT+, se voit alors renommée en Graph 60.
- La cfx-9970G commercialisée en France sous le nom de cfx-9990GT, se voit alors renommée en Graph 80.
Si vous devinez ça tout seuls, vous êtes chanceux...
Rajoutons à cela que des évolutions de modèles internationaux n'ont parfois pas été suivies d'un renommage du modèle en France. Si l'on parle de Graph 65 par exemple, il peut aussi bien s'agir de la cfx-9950GB PLUS de 1998 que de la cfx-9850GC PLUS de 2002.
Une opacité de la gamme limitant en même temps la collaboration entre les communautés Casio françaises et internationales. Comment se comprendre si en plus de ne pas parler la même langue, on ne parle pas du même modèle?...
Il est toutefois nécessaire de se plonger dans l'Histoire pour mieux comprendre. Aussi, après des heures de travail, je vous propose modestement le tableau suivant qui résume les évolutions de la gamme des calculatrices graphiques Casio 4 couleurs:
Année | Nom international | Nom français (ancienne série) | Nom français (série Graph) | Mémoire RAM | Moteur formel (CAS) |
1993 | cfx-9800G | cfx-9900GC | | 24Ko | |
1996 | cfx-9850G | cfx-9930GT | | 32Ko | |
1996 | cfx-9950G | cfx-9960GT | | 64Ko | |
1997 | cfx-9850G PLUS | cfx-9940GT | | 32Ko | |
1997 | cfx-9850Ga PLUS | | | 32Ko | |
1997 | cfx-9850GB PLUS | cfx-9940GT+ | Graph 60 | 32Ko | |
1998 | cfx-9970G | cfx-9990GT | Graph 80 | 64Ko | oui |
1998 | cfx-9950GB PLUS | | Graph 65 | 64Ko | |
2004 | cfx-9850GB PLUS | | | 32Ko | |
2004 | cfx-9850GC PLUS | | Graph 65 | 64Ko | |
La série des calculatrices graphiques Casio 4 couleurs introduite en 1993 a particulièrement évolué dans les années 90 sur la période allant de 1996 à 1998.
Ces évolutions aboutiront même en 1998 à la toute première calculatrice formelle couleur, la cfx-9970G commercialisée en France sous les noms de cfx-9990GT puis Graph 80, plus d'une décennie avant la TI-Nspire CX CAS!
Toutefois, pour une raison inconnue c'est en 1998 que cesse le développement de ces calculatrices. Seulement deux modèles non formels sortiront bien plus tard en 2004, la cfx-9850GB PLUS à l'international et la cfx-9850GC PLUS ou Graph 65 en France, avec comme seules nouveautés de simples modifications esthétiques du boîtier par rapport aux cfx-9850GB PLUS, cfx-9950GB PLUS et Graph 65 de 1998.
Avec l'abandon officiel de ce dernier modèle en 2008, Casio tirait un trait sur cette aventure, nous laissant donc sans calculatrice graphique couleur pendant trois années jusqu'à la sortie de la Casio Prizm courant 2011.
Décidément, après cet article tu devrais être désormais incollable sur les anciennes calculatrices graphiques Casio. Pour ma part, j'avais toujours été assez peu intéressé par les calculatrices Casio, et ai mis beaucoup de temps à m'y mettre. D'une part à cause de l'opacité et quasi illisibilité de la gamme
(impossible de deviner à partir du seul nom de modèle si l'on dispose d'une calculatrice récente, ancienne, d'entrée de gamme ou haut de gamme)... D'autre part à cause de la très grande difficulté à savoir quels modèles français sont concernés par les articles anglophones du web... Enfin, l'écran d'accueil forçant l'utilisateur à choisir une tâche bien précises avec des applications indépendantes ne partageant pas (ou peu) de données m'a toujours rebuté. L'on retrouve même ce dernier défaut dans les derniers modèles qui viennent de sortir comme la Casio Classpad II fx-CP400, où l'
application de calculs est la seule à être réorientable à l'aide du bouton de rotation présent en permanence sur le clavier. A croire que les applications sont conçues par des équipes distinctes avec une absence de vision commune ou globale.
Mais même si le logiciel me déplait personnellement, découvrir que Casio a à la fois inventé la calculatrice graphique couleur et la calculatrice formelle couleur, ce n'est pas rien...
L'écran 4 couleurs était-il si bien que ça? A l'image de l'écran, les spécifications matérielles de ces calculatrices Casio étaient-elles plus intéressantes que celles des modèles TI concurrents de l'époque? Aurais-je du donc m'intéresser davantage aux calculatrices Casio à l'époque?
C'est ce que nous nous proposons de découvrir dans cet article, en vous présentant la Graph 65 couleur de 2004 et que nous avons achetée neuve pour vous!
La première chose qui choque est que le nom de modèle annoncé sur l'emballage est "GRAPH 65 USB" alors que celui inscrit sur la calculatrice est "GRAPH 65" et qu'elle ne présente visiblement aucun port USB. En fait, la "GRAPH 65 USB" n'existe pas. Une dénomination plus exacte aurait été "GRAPH 65 + USB", puisque c'était simplement pour indiquer que l'interface USB / mini-Jack SB-88 était fournie. Sont également fournis le CD avec le logiciel de communication FA-124 USB adéquat, deux guides dont le manuel de l'utilisateur complet qui a disparu de nos emballages de calculatrices récentes, ainsi que quatre piles AAA neuves.
Il s'agit donc d'un écran 128x64 pixels. En pratique, on se rend compte que cet écran 4 couleurs de Casio n'est pas si intéressant que ça pour nombre de raisons.
D'une part, les trois premières couleurs proposées ne sont pas des couleurs primaires. Il y a certes du vert et du bleu, mais la troisième couleur est de l'orange et non du rouge. De plus la quatrième couleur, couleur par défaut des pixels éteints, n'est pas une couleur neutre donnant une espèce de jaune orangé très pâle écran allumé.
Autrement dit, des mélanges de couleurs par clignotements de pixels à l'aide de programmes assembleur à des fins d'utilisation pour des lecteurs d'images ou de jeux ne donneront rien d'extraordinaire. De bons mélanges quadrichromiques usuels utilisés en imprimerie sont vert, bleu, rouge et le noir pour foncer, ou encore vert, bleu, rouge et le blanc pour éclaircir selon la couleur de base du support d'impression. C'est visiblement cette dernière combinaison qui aurait convenu ici, et on en est très loin. D'autre part, cet écran 4 couleurs n'est pas génial non plus. Même si le balayage vertical de l'écran fait illusion ci-dessus, en pratique on perd une couleur sous la plupart des éclairages domestiques, les teintes vertes et bleues étant le plus souvent impossibles à distinguer. C'est donc un écran 4 couleurs qui se fait passer pour un écran 3 couleurs... et même 2 couleurs si l'on ne compte pas celle des pixels éteints.
En 1993 lors de son invention, c'était sans doute des défauts fort accepatbles. Mais que l'écran ne soit toujours pas au point plus de 10 ans après en 2004 l'est beaucoup moins. Passons maintenant au reste du matériel, qui sera bien plus aisément comparable à la concurrence.
Cette Graph 65 est donc sortie en 2004, mais est matériellement identique au modèle de 1998, seul le boîtié ayant été changé. C'est un modèle de milieu de gamme, ou même de haut de gamme si l'on se restreint aux calculatrices non formelles
Chez TI en 1998, nous avions sur la même cible
(haut de gamme non formel) la TI-86, la TI-83 ainsi que la TI-73. La TI-73 est toutefois matériellement identique à la TI-83 Plus qui sortira l'année suivante en 1999. Par soucis d'avoir une référence parlant à un maximum de personnes, je vais donc retenir la TI-83 Plus, qui elle non plus n'a pas évolué depuis.
Notons donc déjà que l'écran des TI-83 Plus est monochrome et ne comporte que 96x64 pixels. L'écran de la Casio Graph 65 malgré ses défauts le surpasse donc à la fois en profondeur et en résolution!
Comme les calculatrices TI, la Graph 65 dispose d'un programme d'auto-test intégré qui peut être invoqué à l'aide d'une combinaison de touches secrète, et va nous renseigner sur son matériel. Il suffit d'allumer la calculatrice tout en maintenant les deux touches [F6] et [a_b/c] enfoncées. Ce menu nous apprend ici le nom de code GY358.
- Le menu "2.LCD" nous permet d'afficher les quatre couleurs de l'écran. De gauche à droite: bleu, blanc, orange et vert. Comme vous le voyez un peu mieux cette fois-ci, le vert ressort en fait bleu clair sous bien des inclinaisons et éclairages, ce qui fait qu'on le confond aisément avec le bleu foncé.
- Le menu "6.ROM" nous apprend l'utilisation d'une mémoire morte (ROM) de 8Mbits soit 1Mo contenant la version 1.0 du système, contre seulement 512Ko sur les TI-83 Plus!
- Le menu "7.RAM" nous indique la présence d'une mémoire vive (RAM) de 64Ko, contre seulement 32Ko sur les TI-83 Plus!
Vérifions toutefois sur la carte mère, car sur les calculatrices TI les puces mémoire sont parfois sous-exploitées
(comme la TI-82 Stats.fr qui a 512Ko de Flash-ROM mais n'en utilise que 256)La carte mère de référence PWB-GY355-E4 en bas à gauche nous révèle donc un nom de code GY355 différent de celui du programme ci-dessus.
En bas à droite on note une mystérieuse protubérance de l'écran qui traverse la carte mère à l'aide d'une ouverture.
Quatre puces principales sont à noter, de droite à gauche:
- le contrôleur d'écran 649B102 (emplacement LSI6)
- une puce ROM R27T802F de 1Mo de chez OKI (emplacement LSI2)
- une puce RAM BS62LV1027 de de chez ESI (emplacement LSI3) mais qui ne fait pas 64Ko mais 128Ko et serait donc sous utilisée comme chez TI
- le processeur Casio propriétaire, comme toujours noyé sous sa goutte d'epoxy solidifié sans aucune référence (emplacement LSI1)
En conclusion, on peut dire que cette calculatrice Graph 65 n'est pas dénuée de défauts, mais avait
(du moins en 1998) un matériel fort intéressant si l'on surpassait la première mauvaise impression laissée par le logiciel.
On retiendra pour les points faibles:
- le logiciel pour les raisons évoquées plus haut
- la qualité pitoyable de l'écran couleur, qui aurait été excusable à son invention en 1993 mais pas cinq en après en 1998
- un retard technologique avec l'usage d'une puce ROM non reprogrammable logiciellement (ce qui implique une impossibilité pour l'utilisateur de mettre à jour le système pour en corriger les bugs ou d'un quelconque espace de mémoire d'archive/stockage), alors que TI était en plein dans le passage à cette technologie avec les TI-92 Plus, TI-89, TI-83 Plus et TI-73 - retard qui fut hélas bien long à combler, puisque la première Casio graphique non formelle à mémoire Flash, la Graph 85, ne devait sortir qu'en 2005 soit huit ans après!
Et pour les points forts:
- deux fois plus de RAM que sur la TI-83 Plus
- deux fois plus de ROM que sur la TI-83 Plus
- l'écran couleur avec une profondeur de 2-bits
Si la technologie utilisée était certes déjà dépassée par la concurrence à l'époque, on peut toutefois admettre que Casio ne s'était pas du tout montré avare sur les tailles des puces mémoire et de l'écran notamment, cherchant bien à exploiter la technologie choisie au maximum de ses possibilités.
J'aurais certainement du faire l'effort de m'y intéresser bien plus tôt. Test copréparé par Critor et Neo