Depuis, les premières questions d'algorithmique sont donc tombées au BAC à partir de la session 2012 pour la série S, avant de se généraliser aux séries ES, L, STL et STI2D à la session 2013. Notons donc bien que ce n'est absolument pas une notion réservée aux seuls scientifiques, bien loin de là.
Et les programmes de l'enseignement supérieur (BTS, classes prépa) viennent d'être mis à jour afin que cet apprentissage puisse se poursuivre.
Je n'ai pas la prétention de livrer ici un témoignage représentatif puisqu'il faudrait des statistiques nationales, mais en pratique quelque soit la classe, l'algorithmique semble faire l'objet d'un rejet de la part d'une petite portion d'élèves. Oublions les considérations sur le niveau des élèves, cela n'ayant rien à voir, puisque quand on leur donne des équations tous les élèves tentent de les résoudre malgré la difficulté pouvant être supérieure, certes bien ou mal mais ils tentent. Mais quand on leur donne de l'algorithmique, une partie plus ou moins importante des élèves ne répondent tout simplement pas à la question, à se demander si ils l'ont seulement lue/cherchée et n'ont pas sauté directement à la question suivante. Et cette observation est partagée par nombre de collègues.
Cette part d'élèves est-elle importante? C'est très variable selon les classes et les séries. Mais même minoritaire, nous nous devons de viser la réussite de 100% des élèves et de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Donc, pourquoi? Pourquoi ce rejet de cette notion de plus en plus essentielle dans le monde d'aujourd'hui et de demain?
Considérons le premier sommet du triangle avec l'enseignant. Peut-être est-ce de sa faute?
Certes, l'algorithmique au lycée est encore jeune, et nombre d'enseignants n'ont jamais été formés pour cela.
Mais si certains enseignants faisaient les choses si mal que ça, ce constat ne serait pas commun à nombre de collègues de toutes origines.
Non pas que je prétende qu'il n'y ait rien à améliorer, mais le problème me semble avoir des racines bien plus profondes.
Occupons-nous maintenant de l'élève. Pourquoi ce refus paradoxal de commencer à comprendre les bases de ce qui se cache derrière les plate-formes mobiles qu'il utilise au quotidien si assidument?
Des témoignages recueillis hors du cadre scolaire apporteraient un début d'explication.
Selon les élèves concernés, l'algorithmique ne relèverait pas des mathématiques mais de l'informatique. Ce cloisonnement est bien évidemment faux d'une part et d'autre part injustifié au moment où l'on exige de plus en plus la polyvalence des enseignants, mais voilà: l'algorithmique serait donc en opposition avec la vision qu'on leur donne (ou qu'ils se font?) des mathématiques.
Est-ce donc que l'enseignant de mathématiques serait, selon l'élève, incompétent en informatique? Ou qu'il n'aurait tout simplement pas à en parler?
On peut aussi se demander si ce ne sont pas les métiers de l'informatique qui ont mauvaise image auprès de ces jeunes, et sans doute qu'un partenariat avec des écoles supérieures ou entreprises pourrait alors leur apporter une réponse.
Mais il n'est pas impossible de faire changer les choses à priori: statistiques et probabilités ont également eu une mauvaise image "non mathématique" en leur temps, qui heureusement finit enfin par s'estomper après des décennies de présence dans les programmes.
Regardons maintenant les livres scolaires et leur adéquation au programme.
Le programme de mathématiques du lycée institue l'algorithmique en tant que thème transversal. Il ne doit pas faire l'objet d'un cours spécifique et doit au contraire être appliqué dans tous les chapitres de mathématiques.
Il se trouve tout simplement que nombre de livres de mathématiques, introduisent et appliquent l'algorithmique de façon non conforme à ce programme.
On trouve en effet chez la plupart des éditeurs les défauts suivants:
- parmi la petite centaine d'exercices proposés dans chaque chapitre, quelques petits exercices isolés se comptant sur une seule main, et concentrés entièrement à l'algorithmique. En l'absence donc d'introduction ou utilisation dans le contexte d'une activité ou d'un problème, on renforce donc l'image d'une notion distincte au détriment de sa complémentarité ou utilité.
- un à trois chapitres d'algorithmique. Ils peuvent prendre la forme d'un pseudo-chapitre en début ou fin de livre, ou encore de trois chapitres pour les trois grandes parties du programme (fonctions, géométrie, statistiques et probabilités). Ces chapitres permettent en effet d'introduire des exercices plus intéressants que ceux du point précédent. Ils auraient été bienvenus dans le manuel de l'enseignant à qui il appartient de faire le tri. Mais ils n'ont, selon le programme, rien à faire sous cette forme dans le manuel élève, renforçant là encore l'image d'un thème à part.
- une forme d'écriture des algorithmes parfois trop calquée sur un langage de programmation que l'on aurait traduit en français
- une forme d'écriture des algorithmes variable d'un livre à l'autre et parfois même dans le même livre - ce qui devrait être corrigé dans les prochaines éditions maintenant que l'on a eu des algorithmes aux sessions 2012 et 2013 du BAC
Au final, tous les sommets du triangle didactique ont leur part de responsabilité. Il faudrait donc changer la vision de l'algorithmique par les élèves et cela passe par la réalisation de livres et de cours cohérents avec l'esprit du programme.
Il convient donc de signaler l'initiative toute récente de la collection Odyssée chez l'éditeur Hatier qui, sans doute consciente des problèmes précédents, tente d'apporter sa réponse pour cette rentrée 2013.
La collection sort en effet un cahier d'activités algorithmiques pour les classes de Seconde. Vous y trouverez, des activités et problèmes faisant un usage raisonné de l'algorithmique pour l'ensemble des chapitres du programme, statistiques et géométrie comprises!
L'écriture des algorithmes y est soignée, correctement indentée pour en faciliter la compréhension, et homogène. Chaque activité ou problème annonce clairement les notions et compétences algorithmiques travaillées. Les langages de programmation travaillés en parallèle de ces algorithmes sont nombreux et variés: Python, SciLab, calculatrices TI-82/83/84, calculatrices Casio Graph, et même de façon anecdotique TI-Nspire et Casio ClassPad.
Le coût de ce petit trésor? Seulement 4,50€.
De quoi aider certainement l'enseignant à repartir sur de bonnes bases dès la Seconde et espérer réussir cette fois-ci à former les bases algorithmiques chez 100% des élèves!
Espérons que cette initiative sera couronnée de succès, et que les cahiers d'activités pour les Premières et Terminales feront suite!
Les témoignages d'enseignants, lycéens et même anciens lycéens sont les bienvenus ci-dessous - j'aurai plaisir à en prendre connaissance, à y répondre et à débattre.