Un plan ambitieux, non sans rappeler l'extraordinaire plan Informatique Pour Tous qui avait équipé dès 1984 écoles, collèges et lycées d'ordinateurs Thomson 8-bits branchés en réseau, les MO5 et TO7 pour les plus connus, ou encore MO6, TO8 et TO9.
Ce plan fut toutefois un échec, et Thomson-SIMIV déposera le bilan en 1989.
Au niveau des reproches, on peut mettre :
- absence de compatibilité avec les ordinateurs 8-bits d'autres marques (pas de système d'exploitation universel à l'époque) et donc un écosystème cloisonné
- absence d'évolution de la puissance des machines - pour ne pas casser la compatibilité et ne pas contraindre les éditeurs à devoir mettre à jour tout ce qu'il avaient publié (pas d'Internet à l'époque pour livrer les mises à jour à domicile), le processeur est resté un 6809 à 1MHz de 1982 à 1989, en violation de la loi de Moore pendant que la concurrence, elle, continuait d'évoluer
- absence de formation des enseignants - l'organisation de séances informatiques relevait du volontariat de l'enseignant, et j'en ai personnellement assez peu profité en primaire avec mes institutrices d'un certain âge, la salle montée exprès pour cela dans l'école demeurant donc désespérément vide...
- avec une interface tactile grâce au crayon optique, plus de 20 ans avant l'avènement des tablettes tactiles
- avec un écran graphique, là où le système d'exploitation DOS des PC cantonnait les utilisateurs à un écran texte
- avec l'utilisation de la télé couleur (comme une console de jeux), là où les PC de l'époque étaient encore souvent vendus avec un écran monochrome qui passait car destiné au travail et non aux loisirs, et permettait de baisser le prix
- avec la présence d'un connecteur universel de périphériques, véritable précurseur de l'USB, et tout comme l'USB l'on pouvait rajouter des prises avec des multiplicateurs de port, alors que les PC devaient être démontés pour rajouter des périphériques
- et avec donc la connectivité réseau
La France opte donc pour la solution tablettes.
Une solution à laquelle j'aurais pour ma part préféré l'ordinateur portable, véritable outil de production/travail, là où la tablette est plutôt un outil ludique de consultation/consommation.
Faut-il encore que l'ordinateur portable soit intégré dans un réseau local de classe, sur lequel l'enseignant doit disposer de droits d'administration fondamentaux :
- distribuer un document de travail
- relever un travail
- visualiser les écrans à distance pour contrôler le travail
Une page de l'histoire de l'enseignement serait donc en train de se tourner, avec la fin des calculatrices graphiques.
En effet, si les élèves ont déjà dans leur sac un outil électronique leur servant pour toutes les matières, pourquoi continuer à exiger un deuxième outil électronique spécifique aux mathématiques ?
Et pourtant, la réponse n'est pas aussi évidente.
La quasi totalité des épreuves du BAC consistent en des dissertations ou études de documents, selon l'épreuve soit toutes deux obligatoires, soit à choisir. Même la Physique-Chimie en série S a amorcé depuis la session 2013 une évolution vers cette forme d'évaluation.
A priori, je ne vois pas de difficulté à la préparation de ces épreuves à l'aide d'une tablette, à partir du moment où elles savent au moins lire et afficher des documents.
En mathématiques, c'est toutefois bien différent. La phase d'apprentissage nécessite la manipulation plus ou moins concrète des diverses représentations d'objets mathématiques (nombre, expression, formule, équation, figure, patron, solide...). Et cette phase n'est pas toujours organisée en papier/crayon - elle peut faire appel selon le contexte et le niveau au papier calque, ciseaux, colle, pliage, crayons de couleur...
Transposer ces situations dans un contexte TICE n'est pas toujours évident pour les enseignants.
Ce n'est pas vrai pour toutes les situations, mais l'Internet regorge pour l'enseignant anglophone, d'outils souvent gratuits pouvant faciliter cette transposition dans le monde de l'ordinateur PC.
Dans l'écosystème souvent fermé d'une tablette, il y a beaucoup moins de choix. Il y a bien évidemment l'excellente application TI-Nspire pour tablettes iPad, mais sans programmation en Lua je ne vois pas toujours de façon évidente d'adapter toutes les situations énumérées ci-dessus, notamment lorsque les objets mathématiques ne sont pas encore tous définis comme au collège.
Le professeur de Mathématique n'aura pas toujours les compétences pour palier à ces manques en développant l'application qui répond aux besoins de la situation qu'il a choisie de faire étudier.
Et même si il les avait, a-t-il seulement le temps de se changer en développeur ?
Ce qui manquerait à l'application TI-Nspire, serait par exemple un SDK Lua (kit de développement), permettant d'automatiser la programmation de certaines tâches basiques, comme le glisser/déposer d'images qui en papier-crayon auraient été découpées/collées.
Ce sont donc des problèmes auxquels l'institution et les éditeurs d'applications vont devoir répondre rapidement.
Peut-être même que les constructeurs de calculatrices graphiques, véritables outils de travail à la différence, n'ont pas encore dit leur dernier mot et apporteront eux aussi des réponses, logicielles ou matérielles.
Par contre, nous pouvons en conséquence programmer l'autorisation de la tablette tactile au BAC pour la session 2022 suite à l'arrivée de cette génération de cinquièmes tactiles en Terminale à la rentrée 2021.
Il serait en effet ridicule à mon avis de ne pas autoriser aux candidats au BAC, l'outil de travail qu'ils auraient utilisé dans toutes les matières pendant toute leur scolarité post-sixième, au même titre que le stylo si il existe encore à ce moment-là.
Il faut donc d'ici-là une nouvelle circulaire spécifiant les modalités d'autorisation. Toutes les tablettes ? Seulement les tablettes distribuées par l'institution, ce qui reviendrait à une liste de modèles autorisés ?
D'ailleurs, y aura-t-il un seul modèle de tablette pour les Cinquièmes ? Plusieurs ?
Faut-il un mode examen verrouillant l'accès à Internet (pas comme les tablettes Lexibook donc, ce dernier voulant vendre ça sans mode examen dès cette année au rayon calculatrices), aux documents personnels et applications non préinstallées ?
Dans le cas d'un mode examen, je puis en effet comprendre le choix d'un écosystème fermé comme celui d'une tablette en lieu et place d'un PC où on peut tout faire, même si cela n'est pas pour autant un gage de sécurité indiscutable comme le dé-montre la pratique du 'jailbreaking' ou du 'rootage' de tablettes.
Les constructeurs de tablettes doivent dans tous les cas être en train de se frotter les mains devant les contrats astronomiques annoncés, vu le prix à l'unité de leurs outils. Outre Apple et Samsung, le français Archos serait apparemment dans la boucle.
Ils vont sûrement se dépêcher d'apporter des solutions plus ou moins bien sécurisées pour les examens.
Crédits images : http://www.creatice.ac-versailles.fr/sp ... article281 (tablettes iPad)