Pour la rentrée 1999 chez les calculatrices scientifiques
Texas Instruments sortait la gamme des
TI-II, ainsi nommée parce que son écran apportait 2 lignes permettant de visualiser simultanément calcul et résultat, une technologie déjà présente chez
Casio avec la gamme
W SVPAM de la rentrée 1998. Chez
Texas Instruments, cela passe par l'utilisation d'un nouvel écran hybride avec :
- 1 ligne de 11 cellules matricielles à 5×7 pixels
- 1 ligne de 10 cellules numériques à 7 segments
Nous avions donc dans cette famille :
De son côté,
Casio fait un bon technologique avec sa gamme
ES Natural Display pour la rentrée 2004, avec un écran pleinement matriciel permettant désormais la saisie et l'affichage en écriture naturelle et des résultats exacts. Cela n'arrivera toutefois en France qu'en 2007 avec la
fx-92 Collège 2D.
Texas Instruments se devait donc de réagir, et la réponse sera la nouvelle gamme des
TI-MultiView pour la rentrée 2007 avec un écran pleinement matriciel d'également 96×31 pixels :
La
TI-Collège Plus française faisait ainsi partie de la famille des
TI-MultiView, même si cette dénomination anglaise n'est pas mise en avant sur son boîtier contrairement à ses soeurs.
Remarquons que contrairement à la gamme précédente il y a ici une scission du
design, avec les
TI-Collège Plus et
TI-34 MultiView qui font bande à part :
Aujourd'hui, nous avons le grand plaisir et l'immense honneur de pouvoir t'emmener dans les coulisses de la création de la gamme
TI-MultiView, avec le prototype
TI-Collège Plus ci-contre, prêté par le
musée DataMath.
La calculatrice
TI-Collège Plus qui a accompagné des générations de collégiens est bien mystérieuse. Sa puce principale est noyée sous une goutte d'epoxy solidifié et ne présente donc aucune indication lisible. Les rares informations techniques sur son fonctionnement interne ont été obtenues via l'étude de l'émulateur officiel
TI-SmartView Collège Plus. Selon plusieurs chaînes internes qui ont pu en être extraites sa puce principale utiliserait un cœur
T4x, plus précisément un
T49 selon le code spécifique à l'émulation. Il s'agit d'un processeur 4-bits de chez
Toshiba.
Ce prototype est donc aujourd'hui pour nous l'occasion de faire des avancées historiques dans l'étude jusqu'ici peu féconde de ce modèle !
Les différents niveaux de prototypage et donc finition utilisés chez
Texas Instruments lors de la conception d'un nouveau produit peuvent être répartis ainsi :
- PROTO
- EVT (Engineering Validation Tests)
- DVT (Design Validation Tests)
- PVT (Production Validation Tests)
- MP (Mass Production)
Nos premiers tests de prise en main qui arrivent de suite nous indiquent clairement que nous avons ici affaire à un prototype extrêmement jeune, son
firmware étant très inachevé, sans doute au mieux un prototype de niveau
EVT. Une pièce donc historique exceptionnelle, possiblement unique au monde !
- Premier coup d'oeil et saisie clavier
- Saisie naturelle et calculs
- Ecran d'auto-diagnostic et processeur
- Matériel
- Note de TI, processeur et auto-diagnostic des MultiView de production
Tu peux de suite remarquer que ce prototype
TI-Collège Plus utilise un
design différent de celui du modèle final, et qu'une inscription anglophone
MultiView Display désignant sont appartenance à la gamme était encore présente sous l'écran.
Niveau clavier, on remarque plusieurs différences de sérigraphie ou de disposition des touches.
L'inverse pouvant être obtenu via
×10^n
est ici libellé
$mathjax$x^{-1}$mathjax$
comme sur l'ancienne gamme
TI-II et pas encore
$mathjax$\frac{1}{x}$mathjax$
.
Les touches de mise en mémoire, division, puissance et statistiques sont notées
sto>
,
:
,
x^y
et
stat/calc
, et pas encore
sto►
,
÷
,
x^n
et
stats
.
Pas d'indication des combinaisons
2nde
+
et
2nde
-
permettant de régler le contraste de l'écran sur le modèle final, et effectivement elles ne marchent pas.
Inversement, la conversion en pourcentage via
2nde
%
n'est ici pas indiquée alors que fonctionnelle.
Notons enfin l'inversion des touches puisance
x^y
et
xyzt/abc
par rapport au modèle final.
Le jeu de caractères de la calculatrice n'est déjà pas final. Petit clin d'oeil de l'équipe de développement
Texas Instruments, à la place du symbole diviser, on obtient un caractère-émoticône souriant
☺.
La division euclidienne via
2nde
:
ne saisit pas le symbole
├ mais un simple espace, bien que cela n'empêche pas son bon fonctionnement.
La racine n-ième ici via
2nde
xyzt/abc
et non
2nde
x²
, n'intercale pas un caractère
√ mais un
☺^ soit le caractère puissance précédé de l'émoticône souriant.
Autre différence de saisie, les combinaisons trigonométriques inverses
2nde
sin
,
2nde
cos
et
2nde
tan
ne saisissent pas encore
arcsin(,
arccos( et
arctan( comme indiqué, mais
sin-1(,
cos-1( et
tan-1(.
La gestion du clavier n'est pas davantage finalisée. Même si la calculatrice fonctionne clairement en français, les touches qui appellent des menus ou interfaces sur le modèle final sont ici ignorées :
mode
,
stat/calc
,
f(x)
,
op
et
maths
. Leurs combinaisons avec la touche
2nde
censées produire le même genre de chose sont également inactives. C'est également le cas de
2nde
π
.
La touche de basculement entre affichage exact et décimal
aff
qui sera changée en
◄►
sur les
TI-Collège Plus récentes ne marche pas davantage; la calculatrice ne fonctionne qu'en affichage décimal.
Sont également sans effet les touches
x^y
et
sto>
.
C'est
xyzt/abc
qui permet pour sa part de saisir le caractère puissance
^ de la touche
x^y
, ce qui est compréhensible lorsque l'on regarde la disposition clavier de la gamme des
TI-II précédente.
Petite anomalie également, le caractère carré
² de la touche
x²
est quant à lui saisi sous le curseur, sans déplacement de ce dernier.
Concernant les autres combinaisons avec la touche
2nde
, c'est encore moins abouti.
Pas d'insertion avec
2nde
suppr
alors qu'indiqué, et
2nde
)
est également ignoré.
Les combinaisons
2nde
►simp
et
2nde
(
ne donnent que la fonction principale de la touche, comme si l'on n'avait pas tapé
2nde
.
Les formes de saisie en affichage naturel sont ici limitées aux quotients et racines carrées. Tout emplacement vide y est d'ailleurs bizarrement indiqué par le caractère-émoticône
☺ déjà présenté plus haut.
Comme vu plus haut la saisie naturelle des puissances n'est pas gérée, donnant le simple caractère
² dans le cas du carré ou sinon
^, et celle des racines n-ièmes ne l'est pas davantage donnant comme saisie
☺^.
Les
glitchs graphiques ne sont pas rares dans le cas où l'on imbrique plusieurs formes naturelles.
Il est de plus très facile de bloquer la calculatrice avec ce genre de chose, l'on obtient alors un écran vide avec le drapeau occupé activé, et aucune touche ne permet de débloquer la calculatrice, pas même le bouton de réinitialisation
reset au dos. Pas d'autre choix alors que d'ouvrir la machine pour interrompre l'alimentation en retirant la pile.
Précisons que toutes ces dernières opérations ne sont pas gérées, leur validation lorsque possible ne donnant qu'une erreur de syntaxe.
Décidément, il s'agissait vraiment clairement d'un prototype de démo destiné au seul usage interne des ingénieurs et commerciaux de chez
Texas Instruments.
Bien que les divisions soient fonctionnelles si saisies en ligne, il semble y avoir un bug concernant les puissances d'exposant négatif lorsque saisies via la touche
x^y
et donc le caractère
^. Leur résultat ne semble étrangement juste que lorsque l'exposant est un multiple de 5 :
Toutefois les fonctions trigonométriques sont bien fonctionnelles. Et même si nous sommes donc coincés en mode degrés, c'est suffisant pour effecter le
test Forensics des calculatrices. Ici l'écran nous indique
$mathjax$arcsin\left(arccos\left(arctan\left(tan\left(cos\left(sin\left(9\right)\right)\right)\right)\right)\right)=9,000001077272$mathjax$
. Selon la table des résultats, on reste donc exactement sur le même cœur de calcul que la gamme des
TI-II.
3) Ecran d'auto-diagnostic et processeur
Go to topGrosse découverte ici qui va nous permettre d'aller plus loin, ce prototype dispose d'un écran d'auto-diagnostic jamais trouvé sur les modèles de production !
Calculatrice allumée, il suffit tout simplement de retaper
on
pour y accéder.
Ce dernier nous accueille avec une invite
T998 8/06. On peut donc dater le
firmware tournant sur ce prototype vers
Août 2006, soit 1 an avant la date initialement prévue pour la sortie et 2 ans avant sa disponibilité effective.
La mention
T998 quant à elle pourrait être une indication plus précise sur la puce
Toshiba contenant le cœur que l'on t'a mentionné. Toutefois ce serait bien court pour une référence de puce; elle est très certainement abrégée et une recherche en ligne ne retourne effectivement rien de pertinent.
L'image
ROM de
128 Kio qui a pu être extraite de l'émulateur
TI-SmartView Collège Plus ne présente en tous cas aucune chaîne
T998, et aucune chaîne ressemblant à une date remontant à 2006-2008. Soit l'invite y utilise un format totalement différent, soit l'écran d'auto-diagnostic en a été totalement retiré, ce qui serait quand même fort surprenant.
Depuis cet écran d'accueil, la touche
1
permet d'alterner manuellement entre 3 motifs d'affichage. Cela permet de vérifier le bon fonctionnement des 96×31 pixels de l'écran, ainsi que de ses 17 dapeaux supérieurs :
- L1
- 2NDE
- HYP
- FIX
- K
- L2
- SCI
- ENG
- HEX
- OCT
- L3
- DEG
- RAD
- ←
- ↑
- ↓
- →
Précisons que l'écran est commun à l'ensemble des modèles de la gamme
TI-MultiView, et que plusieurs de ces drapeaux ne sont clairement jamais utilisés sur
TI-Collège Plus, toutes les fonctionnalités n'étant pas présentes.
La touche
:
permet quant à elle d'alterner automatiquement entre deux autres motifs.
La touche
×
pour sa part lance un test clavier, t'indiquant la code de chaque touche pressée et incrémentant un compteur total. C'est l'occasion pour nous d'en profiter pour te documenter ces codes de touches, en hexadécimal :
2nde 0F | mode 27 | suppr 2F | ← 36 | ↑ 37 |
n/d 0E | stat/calc 17 | f(x) 1F | ↓ 34 | → 35 |
►simp 0D | ×10^n 16 | op 1E | maths 26 | annul 2E |
π 0C | sin 15 | cos 1D | tan 25 | : 2D |
xyzt/abc 0B | % 14 | ( 1C | ) 24 | × 2C |
x² 0A | 7 13 | 8 1B | 9 23 | - 2B |
x^y 09 | 4 12 | 5 1A | 6 22 | + 2A |
sto> 08 | 1 11 | 2 19 | 3 21 | aff 29 |
on 07 ? | 0 10 | , 18 | (-) 20 | entrer 28 |
Procédons maintenant à l'ouverture. On y trouve 2 cartes électroniques reliées par une nappe :
- la carte mère
- la carte clavier
Comme sur les premières
TI-Collège Plus de production, la pile bouton d'alimentation
CR2032 est solidaire de la face arrière et reliée à la carte mère par 2 fils fragiles qu'il faudra éviter de solliciter mécaniquement trop souvent. Ce sera remplacé plus tard par un logement solidaire de la carte clavier, supprimant ainsi les fils que l'on risque d'arracher à chaque ouverture selon comment on force sur le boîtier. Nous ignorons la date exacte de ce changement, mais c'était déjà le cas sur les
TI-Collège Plus bénéficiant du rafraîchissement de
design pour la rentrée 2011.
Chose à laquelle nous n'avons pas droit sur les modèles de production, la carte mère porte ici une référence,
PPD-34III/COLLEGE MB-00.
Cela confirme un développement conjoint avec la
TI-34 MultiView déjà évoqué en introduction, la carte mère étant ici commune suite à l'utilisation du même format de boîtier, mais l'image
ROM gravée dans la puce centrale sans doute différente.
Nous apprenons par la même occasion que la
TI-34 MultiView était initialement désignée en interne en tant que
TI-34 III, successeur logique de la
TI-34 II, et c'est sans doute toute la gamme
TI-MultiView qui s'appelait initialement
TI-III.
Hélas la puce principale reste masquée par sa goutte d'epoxy de protection, et nous n'en apprendrons donc pas davantage de cette façon.
5) Note de TI, processeur et auto-diagnostic des MultiView de production
Go to topMais ne désespère pas, tout n'est pas perdu. En effet un ingénieur
Texas Instruments a bien gentiment laissé une note au dos du prototype :
TI wrote:Model: College Plus EVT
CPU: JT6F54-998S B-CHP
LCD Vendor: CCTC
LCD background: Gray green
On confirme en passant qu'il s'agit bien d'un prototype de niveau
EVT comme on le pressentait plus haut.
Mais surtout, nous découvrons donc enfin après toutes ces années la référence exacte de la mystérieuse puce principale utilisant le cœur
Toshiba T4x/T49, une
JT6F54-998S justement de chez
Toshiba, ce qui donne enfin tout son sens à l'abréviation
T998 utilisée à l'écran de diagnostic !
Par contre, pas de trace d'un
datasheet public pouvant nous en apprendre davantage suite à de premières recherches.
Munis de cette référence, après toutes ces années nous faisons une énorme découverte dans l'image ROM extraite de l'émulateur
TI-SmartView Collège Plus. L'écran de diagnostic est bien toujours présent, mais utilise une chaîne d'accueil au format très différent :
JT6F54+202 09)07.
Le contenu
ROM des modèles de production aurait donc été finalisé en
Septembre 2007.
Profitons-en pour explorer de façon similaire les autres émulateurs
TI-SmartView MultiView :
- l'écran de diagnostic des TI-30XB/XS MultiView doit afficher un JT6F54+003 11)07, signalant donc une ROM finalisée en Novembre 2007.
- l'écran de diagnostic des TI-34 MultiView doit afficher un JT6F54+102 11)07, signalant une ROM également finalisée en Novembre 2007.
- les TI-30X Pro MultiView et TI-36X sont supposées partager la même ROM et afficher dans leur première version (TI-SmartView 1.00) un JT5CW8+001 04)10, signalant une ROM achevée en Avril 2010 mais également un changement de puce pour une JT5CW8, toujours de chez Toshiba et sans datasheet public.
- dans leur deuxième version (TI-SmartView 1.01) on passe à un JT5CW8+002 11)10, indiquant donc que les correctifs qui ont dû être apportés ont été finalisés en Novembre 2010.
Il reste encore un grand mystère, quelle est donc la combinaison secrète de touches que des générations de collégiens n'ont jamais trouvée, permettant d'accéder à l'écran de diagnostic sur les
TI-Collège Plus et autres
TI-MultiView de production ?
A bientôt...